Chapitre 19

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Derek peinait à dormir. Tout en lui n'était qu'angoisse et colère. S'il gérait plutôt bien la première, la seconde lui posait davantage problème dans la mesure... Où elle se révélait graduellement dévastatrice. Son ancrage actuel ? Dans ses bras. La peau du haut de son corps exposée, son cou aussi. La marque, toujours aussi nette, semblait le narguer. La lune aussi, puisqu'il s'agissait de l'endroit précis que ses rayons éclairaient le plus. Derek était un homme qui appréciait l'idée de dormir rideaux ouverts et regarder de temps à autres mère-lune lorsque le sommeil tardait à lui venir : cette fois-ci, elle était plus une gêne qu'autre chose. Ainsi, il se releva aussi discrètement que possible et une fois qu'il eut fermé les rideaux et plongé la pièce dans une pénombre aveuglante, c'est un peu plus calme qu'il regagna le lit, qu'il prit à nouveau son humain contre lui.

Derek n'était pas quelqu'un de foncièrement tactile. En général, il limitait les contacts physiques au minimum, à ceux qu'il considérait comme étant les plus utiles ou essentiels – et il fonctionnait également de cette façon lorsqu'il entretenait une relation intime ou amoureuse. Pour une raison qui lui échappait, il avait besoin cette fois-ci de passer outre ses propres habitudes, de les envoyer balader tant elles lui paraissaient idiotes au possible. En tout cas, avec Stiles... Se réfréner lui paraissait anormal. Sans doute était-ce son instinct protecteur qui parlait pour lui, mais... Seul son toucher lui permettait de garder un semblant de sang-froid – en cet instant du moins. En fait, il peinait à accepter la réalité, celle que lui avait dépeinte Magnus et que l'attitude de Stiles n'avait cessé de corroborer ces derniers jours. Il n'arrivait cependant pas à en douter, à se plonger dans un déni salvateur, un déni... Qui lui permettrait de rester froidement logique, d'aborder la situation sous un autre angle, bien moins juste par ailleurs. On dit souvent que la vérité fait mal : l'ignorance, elle, rassure.

Mais nier ce qu'il s'était passé, peu importe la raison, reviendrait à cracher sur les souffrances de Stiles.

Et ça, c'était quelque chose que Derek ne ferait jamais.

Lui vint toutefois l'envie de partir loin. Loin d'ici, loin de Beacon Hills aussi, loin de tout. De trouver un endroit simple et d'un calme si grand qu'aucune présence humaine autre que la leur ne viendrait troubler. Derek avait l'impression que c'était ça qu'il fallait à l'hyperactif, ça dont il avait besoin. Du temps et de la sérénité – ce que le loup-garou, de son côté, n'avait jamais eu. Cependant, leur constitution n'était pas la même, leur personnalité non plus... Si Derek avait déjà vécu la torture à de nombreuses reprises, il en connaissait la raison et y avait déjà été plus ou moins préparé par le passé. Stiles, ça lui était tombé dessus sans qu'il ne puisse s'armer pour y résister mentalement... D'autant plus qu'il n'avait rien fait. D'après Magnus, son innocence ne faisait aucun doute. Son emprisonnement et le traitement qu'on lui avait réservé étaient à vomir. S'il n'était pas particulièrement fan de la violence, il suivait depuis tout petit les préceptes des lois et mentalités lupines qu'on lui avait inculquées. Une vie pour une vie. Le sang pour le sang.

S'il n'irait pas torturer les bourreaux de Stiles, il n'était toutefois pas certain que ceux-ci s'en sortent avec tous leurs membres. Mais pour l'heure, ils pouvaient attendre – qu'ils profitent de ce répit qu'il leur accordait de bonne grâce. Sa priorité portait un prénom d'origine polonaise et un surnom qu'il utilisait depuis qu'il le connaissait. Derek savait qu'il aurait tout le temps d'agir et de faire payer ces monstres : Stiles, lui, ne devait pas attendre. Le loup-garou ne savait que trop bien à quel point la douleur d'une psyché brisée était dingue et à quel point le temps, s'il n'était pas utilisé savamment pour guérir ses maux, pouvait être destructeur.

Alors oui, il tendait doucement vers une attitude et un comportement bien plus doux et patients qu'à l'accoutumée. Stiles avait ce truc qui le poussait dans ses retranchements, à montrer cette partie de sa personnalité qu'il dissimulait au plus grand nombre. Il s'agissait de l'un de ces pans qu'il gardait pour le privé, l'intime. Peu de ses conquêtes ou précédentes relations y avaient goûté : Stiles était le premier avec qui il se montrait réellement honnête. Sa spontanéité et son honnêteté l'y poussaient. Parce qu'il était toujours d'une sincérité naturelle et que mentir ne lui prenait que pour se cacher des autres. Mais face à un loup-garou, Stiles préférait la stratégie du contournement – qui, de toute façon, ne fonctionnait pas avec Derek. Disons qu'il commençait sérieusement à le connaître, à deviner son cheminement de pensée et par extension, ses plans d'évitement.

Dans le reflet de ton épéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant