Prologue

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	Le cimetière est plein à craquer

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Le cimetière est plein à craquer. Les gens sont agglutinés autour du cercueil, ont envahi les allées adjacentes, piétinant la pelouse impeccable et les parterres de fleurs environnants. Je savais que Guerrera était apprécié dans le milieu, mais j'ignorais à quel point. J'ignorais qu'il était le genre de type à faire se déplacer les foules, et je suis persuadé qu'en plus de son conseil d'administration et des rencontres de complaisances, des employés se sont également invités à la fête afin de l'accompagner dans son dernier voyage.
Est-ce que d'illustres inconnus se donneraient la peine d'assister à mes funérailles ? J'en doute. Ma propre famille serait probablement aux abonnés absents, se contentant simplement de se pointer à l'ouverture du testament dans l'espoir de grappiller un dollar par ci par là. Après tout, je ne suis pas de ceux dont on souhaite garder un souvenir impérissable.
Je cesse de ruminer et tente de me concentrer sur les mots psalmodiés par le pasteur qui arrachent quelques larmes convenues à son auditoire, en vain et pour cause : je ne suis présent que pour l'unique raison que je respectais Guerrera, ainsi que pour l'étrange marché qu'il m'a proposé avant de passer l'arme à gauche. Hériter de l'empire économique qu'il a bâti au fil des ans, et d'autre chose. Enfin, de quelqu'un. Une condition non négociable selon lui, et il a expressément exigé que je ne paraphe aucune des foutues pages du contrat avant de l'avoir rencontré. Je ne sais pas ce qu'il espérait, qu'inclure sa fille dans le deal me pousserait à accepter plus facilement les innombrables clauses le régissant ?
Cependant, j'ai beau scruter les alentours, je ne l'aperçois nulle part. Il m'avait prévenu qu'elle risquait de ne pas se manifester puisqu'ils étaient loin d'entretenir la relation père-fille parfaite, et je n'ai jamais cherché à creuser la question. Les histoires de famille, très peu pour moi, surtout lorsqu'elles sont dysfonctionnelles. La merde, j'ai assez donné, et je crois bien que les Guerrera en tiennent une couche dans ce domaine, car le vieux a fait fort. Si je souhaite toucher le jackpot, je dois épouser la fille, c'est aussi simple que cela.
Bon, j'admets que le jeu en vaut la chandelle d'autant que je ne suis pas un romantique et que l'amour m'indiffère au plus haut point. À mes yeux, le mariage n'est qu'une putain de corde que l'on te noue autour du cou, et qui se resserre, inexorablement, jusqu'à ce que tu ne sois plus qu'un pauvre clébard tenu en laisse aux ordres d'une gonzesse qui a fini par te broyer les couilles.
Mais je dois survivre six mois. Six mois, ce n'est pas insurmontable pour empocher des millions, n'est-ce pas ? Et si la nana n'est pas trop mal dans son genre, je ne vais pas me montrer trop exigeant puisque si le père a éprouvé la nécessité d'établir un contrat pour la caser, c'est que la demoiselle ne doit pas relever des canons qui atterrissent d'ordinaire dans mon lit, je pourrai peut-être même prendre du bon temps avec.
Soudain, la pluie commence à tomber, les parapluies sombres obscurcissent le ciel déjà enténébré, et pourtant, c'est à cet instant que je la remarque. Cette fille qui se tient devant le cercueil d'ébène et qui ne tente aucunement de s'abriter malgré le déluge qui s'abat maintenant sur nous. Une petite brune à l'air assez jeune dont la chevelure de jais est aussi noire que la robe détrempée qui lui colle dorénavant à la peau et qui moule son corps d'une telle façon qu'elle ne laisse plus de place à l'imagination. Ce n'est que lorsqu'elle pivote dans ma direction que je la reconnais. Il ne peut s'agir que de Lee Guerrera, l'unique fille de feu Richard Guerrera, et une chose est sûre : la photo que l'on m'a fournie ne lui rend absolument pas justice.
Son beau visage ne trahit rien, hormis la dignité, et ses magnifiques yeux dorés auréolés de son maquillage qui a coulé paraissent me transpercer alors qu'ils ne font que glisser sur moi. Elle ne joue pas les orphelines éplorées, les seules larmes qui dévalent ses joues sont celles qui proviennent du ciel. Je ne l'avais jamais rencontrée jusqu'à aujourd'hui, mais son identité est indéniable. Il émane d'elle une certaine force de caractère ainsi qu'un magnétisme que je n'avais perçus que chez son père.
Le violent éclair qui zèbre subitement l'atmosphère ébranle la foule et paraît enflammer les iris mordorés de Lee. À cette seconde, je réalise qu'elle me laisse tout sauf indifférent, et que je compte bien signer ce foutu contrat. Car je désire m'embraser au contact de ce feu qui semble brûler en elle, et dompter la lueur sauvage qui brille dans son regard.

6 mois avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant