Prologue

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Jade, Juin deux mille un.

Assise devant ma coiffeuse, brossant mes cheveux bruns avec délicatesse et ennui, je suis perdue dans mes pensées. Aujourd'hui devrait être un jour heureux, celui de ma majorité avec mon frère jumeau Tucker. Vingt-et-un an, je ne pensais pas que les événements des dernières semaines, ou devrais-je dire mois précédent, auraient autant de répercussions sur notre quotidien. Notre père, Donald Jackson, continue son ascension vers les plus hautes sphères politiques du pays. Son but ultime est de prendre la tête du pays. Hélas rien ne l'arrêtera, même pas nous, ses enfants. Depuis toujours, nous devons montrer l'image parfaite de notre famille atypique.

" Père célibataire, Donald Jackson a su monter un empire dans ce monde. Tout cela en partant de rien ".

Ces mots ne sont pas les miens, mais bel et bien ceux d'articles écrits par des journalistes payés gracieusement par les pots de vins.

Chut, c'est un secret ...

Pourtant c'est la vérité, la seule et l'unique. Quand nous sommes nées, nous avons perdu notre mère, ce fut une tragédie pour notre père. C'est le récit que nous entendons depuis de nombreuses années. En grandissant, je me suis rendu compte que ses paroles sont quelque peu mensongères, voire déformées pour en tirer son avantage. A la disparition de son épouse, notre paternel à reçu une grande partie de son patrimoine immobilier et financier. Celui-là même que nous devons recevoir avec mon frère en ce jour. C'est grâce au nom prestigieux de notre maman, qu'il a pu monter petit à petit un empire. Mon père a créé des alliances avec des juges, des policiers et d'autres personnalités publiques de notre beau continent. Durant ses dernières années, il a entrepris de gravir les échelons du monde politique, jusqu'au titre qu'il détient actuellement. Celui de maire de Washington DC. Pourtant, je sais qu'il n'a pas encore atteint son objectif, loin de là.

Un bruit dans le couloir me ramène au présent. Mes yeux sont fixés sur le miroir de la coiffeuse. Mes gestes sont automatiques, je finis de me préparer, abandonne mes affaires de toilette sur le meuble. Je me lève, lisse ma tenue parfaite de mes mains moites et sors de ma chambre. Je ne prends pas la peine de fermer la porte, car cette dernière a été supprimée à l'aube de mes seize ans. Selon notre père, c'était dans le but de ne pas commettre d'impair durant l'adolescence. Ici, dans cette maison d'un quartier très luxueux de la capitale des Etats-Unis, nous sommes sans droit vis-à-vis de notre géniteur. Il impose les règles sans nous laisser argumenter un mot.

Depuis notre plus jeune âge, mon frère et moi, avons appris à vivre dans l'ombre de ce dernier. A nos seize ans, nous avons été envoyés dans les plus grandes écoles, il a souhaité que nous soyons formés pour devenir ses dignes héritiers. Surtout Tucker, en tant qu'homme de la maison qui est le seul capable de prendre sa relève. Ma destinée est tout autre, je dois devenir une épouse convenable, selon les standards de cette société hupée.

Mes pas me guident dans le salon familial, où je suis censée retrouver mon père et mon frère pour la traditionnelle photo de famille. Chaque année, il nous impose ce cliché afin de nous rappeler que nous sommes unis. Enfin pour ma part, je pense que cette mascarade est juste là pour que la presse et que les américains se souviennent du drame qu'est notre vie. Il faut faire pleurer les chaumières, phrase typique de mon père. Le but ultime de cette « tradition » est de s'assurer les votes de différents foyers américains. Grâce à cette image que nous renvoyons, nous jouons la carte de la famille détruite par la mort de la figure maternelle.

J'arrive dans cette pièce aménagée avec goût par une célèbre décoratrice d'intérieur. Où il se trouve un grand canapé blanc donnant sur la baie vitrée avec vue au loin sur le Capitole. Lieu sacré pour tout Américain qui se respecte. Quelques tableaux de grands artistes habillent nos murs de couleur crème, un tapis noir est au sol entre le meuble et la fênetre, afin de donner de la chaleur à la pièce. Un grand écran plat est installé sur la droite du salon, il est juste présent pour faire défiler en boucle les chaînes d'informations du monde. Jamais nous n'avons eu le droit de nous installer dans ce lieu pour regarder des films ou bien une série.

La politique ou rien.

Je me glisse sans bruit à la gauche de l'entrée, et attends sagement debout les consignes. Mon père est bel et bien présent dans la pièce, criant des ordres aux petits personnels. Il est nécessaire que tout soit parfait.

Secret d'étatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant