Secret d'état

Chapitre 14

Jade,

Cette nuit a été horrible, je pensais qu'être allongée dans ce lit spacieux, dans ce logement luxueux allait me permettre de me reposer, mais que dalle. J'ai guetté le moindre bruit suspect dans la villa, chaque grincement, chaque bourrasque de vent m'ont tenue éveillée. Pour une habitation si récente, elle est pire qu'une nuit dans le désert Africain, au moins là-bas, je savais à quoi m'attendre. Ici, je me demande encore à quelle sauce je vais être mangée. De nombreuses questions m'ont aussi tenue éveillée. Comment Tucker a pu se laisser endoctriné par ce milieu d'un niveau supérieur que celui où nous avons grandi ? Sortir d'une prison pour en finir dans une nouvelle, cela n'a pas de sens. Ce qui me rassure actuellement, c'est qu'il soit en bonne santé et en pleine possession de ses moyens. J'ai cogité durant de longues heures, démêlant le vrai du faux. Toutes les certitudes acquises durant ces dernières années se sont envolées comme une nuée d'oiseaux apeurés. Ma petite vie tranquille de militaire est finie, je le sais, je le sens. Il n'est pas nécessaire que j'appelle Charly mon père de cœur pour me confirmer ses doutes. Mon géniteur, le Sénateur Jackson est derrière tout ce merdier qui m'entoure aujourd'hui.

Je sors péniblement de mon lit, récupère un jogging trouvé dans le placard de ce lieu. Je me glisse dedans, pile à ma taille. Il faudrait que je pense à remercier la personne qui s'est chargé de me fournir des vêtements, cette petite attention me va droit au cœur. Une fois vêtu, je ramène mes cheveux en queue de cheval, une coiffure simple mais efficace. Il faut avouer que depuis ces dernières années, c'est à peu près une des seules coiffes que j'effectue au cours des mes journées, parfois je m'octroie des chignons serrés. Un dernier regard dans le miroir, me voilà fin prête pour partir dans l'exploration de la villa.

Je sors de la chambre, je remarque de suite l'absence de garde devant mon espace nuit. Etonnant, mais que devrais-je dire ? Je regarde sur ma droite puis sur ma gauche, afin de savoir dans quelle direction partir. Au loin, j'entends des bavardages, mes pas me guident vers ce que je pense être la cuisine. Quand j'entre dans la pièce, je remarque quelques hommes sont attablés. Le silence se fait instantanément, leurs regards se posent sur leur tasse de café.

— Hum, bonjour, je souhaiterais savoir si je peux prendre un café ? leur demandé-je d'une voix claire et nette.

Je ne suis pas le genre de fille à avoir peur de la présence de personne dont le physique est démesuré. Je me doute que ces hommes passent le plus clair de leur temps à aller dans les bas quartiers de Mexico, à récolter l'argent sale, tabasser de pauvres gens qui n'ont peut-être rien demandé à personne... Je ne vais pas me mentir à moi-même, oui, je flippe un peu, mais il est important de garder une constance exemplaire ici. Je me dois d'être dans mon rôle de militaire, imposer le respect et la dissuasion de venir me chercher des poux. Même si dans ma carrière j'en ai vu d'autres. Les personnages que j'ai eu la chance de côtoyer étaient des alliés, ici je ne sais pas ce qu'ils sont.

Personne ne prend le temps de me répondre, ils semblent être subitement intéressés par leurs breuvage et les différents journaux poser sur le plan de travail. Comme si j'étais persona non grata. Le bruit des talons me coupe de la contemplation des individus présents. Une femme arrive derrière moi, elle passe à mes côtés, c'est une belle brune, hispanique, ses vêtements sont simples. Ils lui vont à ravir, jean et pull-over jaune, ses cheveux sont détachés, laissant une longue chevelure jusqu'au milieu du dos. Ses pas la guident vers un des hommes présents, elle dépose ses lèvres sur sa joue, puis son regard se pose sur moi.

— Hola, je m'appelle Louisa, bienvenue chez nous, m'accueille-t-elle avec un grand sourire. Vous avez brunch comme on dit par chez vous ?

— Bonjour, non pas encore... Je ne savais pas si j'avais le droit dans cette pièce, répondis-je un peu surprise de cet accueil.