Chapitre 8

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POV AYLAN

Alyssa avait pris la place de mon frère sur le siège des visiteurs, adoptant la même posture que celui qui l'avait précédée, le regard fixé sur son portable. Deux copies conformes, à la différence que les cheveux bruns d'Alyssa encadraient son visage de telle façon que je n'arrivais pas à saisir ses expressions.

- Quand tu seras enfin sorti de cet hôpital sinistre, il faudra rapidement t'organiser une interview avec un média pour redorer ton image, dit-elle soudainement, relevant la tête vers moi, dévoilant ses iris bleus qui me scrutèrent.

Alyssa avait été l'une des premières à avoir cru en moi et en ma voix. Elle avait demandé à l'une de ses amies de convaincre son patron, propriétaire d'un bar, de me laisser jouer quelques-uns de mes morceaux. Lorsque je commençai à me faire connaître et qu'elle s'était retrouvée sans emploi, je n'avais pas hésité une seconde à lui offrir une place dans mon équipe naissante. Il s'était avéré qu'aujourd'hui elle était devenue un véritable pilier de ma carrière, gérant ma publicité, mes réseaux sociaux et mon image dans sa globalité. Mais je regrettai cette époque insouciante où je la considérais comme mon amie ; la popularité avait entaché ce lien. Elle détruisait toutes les relations, celle que j'entretenais avec mon frère, puis avec Aly. J'avais toujours pensé que tant que le bénéfice en valait la peine n'importe quel sacrifice acceptable, il fallait prendre le risque. Mais aujourd'hui, rien ne me rattachait à cette semblance de carrière.

J'avais commencé à poser des mots sur le papier pour échapper à la réalité. Ma réalité. Tout le monde avait une échappatoire ; il s'était seulement avéré que j'avais un certain talent pour celle où je m'étais réfugié. Depuis quelque temps maintenant, j'avais seulement compris que c'était bien souvent une mauvaise idée de mélanger affaires et passion. Parce que ce qui m'avait maintenu la tête hors de l'eau était lentement en train de me noyer. À quoi pouvais-je maintenant me rattacher ? Ma voix résonnait dans les casques de tous, mon visage était exposé aux yeux de chacun, mais plus que jamais j'étais oublié.

On nous présentait cela comme le paradis, un monde où l'on était aimé. Un nouveau départ pour tous ceux qui voulaient se faire accepter. Beau mensonge. De cette gloire, je ne m'étais retrouvé que plus seul et meurtri.

Pourtant, malgré toutes ces pensées, mon cerveau sortit une réponse préconçue que j'avais apprise par cœur, loin de ce que je pensais, mais qui empêcherait Alyssa de me poser des questions.

- Ouais, t'as raison, il faut que je rattrape le coup.

Aly n'eut même pas le temps de réagir que trois petits coups se firent entendre derrière la porte. Cette fois-ci, je la reconnus en une fraction de seconde. Ses cheveux aux couleurs de l'automne étaient remontés en un chignon négligé, son visage ainsi dégagé, je pouvais contempler chacune de ses taches de rousseur qui perlaient sur ses joues et son nez. Ses yeux bruns me fuyaient, se concentrant sur toutes les autres surfaces de la pièce, avant d'inévitablement croiser ceux d'Alyssa. Elle rompit ce lien au bout de quelques secondes seulement, mais j'étais certain qu'une moue avait resserré ses lèvres le temps d'un battement, lorsqu'elle avait détaillé mon agente.

Elle était belle, pas d'une beauté parfaite qui rimait avec artificielle. Elle n'avait peut-être pas une silhouette de guêpe, ne mesurait pas un mètre soixante-dix, avait les ongles rongés, et ses yeux n'étaient pas d'une nuance émeraude. Pourtant, mon cœur semblait incontrôlable à sa vue, ce qui m'étonna, vu le nombre de mannequins, de célébrités ou de femmes jugées les plus belles sur Terre, que j'avais pu contempler durant ma courte existence. Mais elle, c'était différent. Ce qui aujourd'hui était considéré comme des imperfections par la société la faisait rayonner.

À ses côtés, un médecin d'une cinquantaine d'années examinait mon dossier médical que Sarah lui avait tendu. Sourcil froncé, il faisait défiler les pages, bien trop nombreuses à mon goût.

Laisse moi vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant