Chapitre 13

40 3 0
                                    

⚠️⚠️TW : deuil ⚠️⚠️

Août 2016

**POV Sarah :**

Il y a ce court instant où, lorsqu'on se réveille, notre esprit est encore plongé dans les limbes du sommeil. Où notre cerveau ne fait pas la part des choses entre ce qui est réel ou imaginaire. Il y a ce court instant où, lorsqu'on se réveille, tout est encore possible. Ce jour-là, je m'étais retrouvée à pourchasser ce moment flou.

Je rejetai la couette drapée sur mes épaules et me levai, les muscles endoloris après avoir passé la nuit, le corps replié sur un petit fauteuil. Le lit était tiré aux quatre épingles, comme si personne ne s'y était allongé depuis des lustres. Les rideaux laissaient passer une douce lumière, et la poussière dansait dans la pièce. Dans un grincement, la porte de la chambre s'entrouvrit sur mon ami au visage livide. Ses yeux se posèrent sur le fauteuil que je venais de quitter, avant de se balader à ma recherche. Cole força un sourire lorsque ses prunelles rencontrèrent les miennes. À ce moment-là, la brume disparut, l'espoir s'envola.

Il me suffit de reculer d'un pas pour cogner le mur de la chambre exiguë. Un pas pour que mes membres se mettent à trembler. Deux pas pour que Cole me rejoigne et m'empêche de m'effondrer. Quinze secondes pour que mon existence bascule dans les ténèbres. Le silence qui s'ensuivit était assourdissant, chaque seconde semblant étirer l'éternité.

— Sarah, murmura-t-il enfin lentement, tentant de contrôler les trémolos dans sa voix. Mon ange, s'il te plaît, regarde-moi, me supplia-t-il presque.

Je relevai ma tête vers lui, plongeant mon regard dans ses yeux verts. La bouche sèche, j'attendais qu'il anéantisse mes derniers espoirs. Ses longs doigts cueillirent une larme salée au coin de mon œil avant de replacer une de mes mèches rousses.

— Sarah, il y a dans le salon un inspecteur de police qui aimerait te parler. Je sais à quel point c'est dur, mon ange, mais je ne te forcerai pas à sortir d'ici avant que tu ne sois prête.

— Où est-elle ? Où l'ont-ils emmenée ? demandai-je si bas qu'un instant je crus que Cole ne m'entendit pas.

Cole s'arrêta quelques instants et entrelaça nos doigts, son regard ancré dans le mien.

— Ils l'ont emmenée à la morgue.

Mon meilleur ami prononça ces mots d'une façon presque détachée, comme l'aurait fait un inconnu. Je savais qu'il essayait de me protéger, mais à mes oreilles, ses paroles résonnaient comme une sentence irrévocable.

— Si tu veux que je parle à l'inspecteur en premier, dis-le-moi, Sarah. Je serai prêt à le faire. Je ne te lâcherai pas, me promit-il.

Je serrai nos mains un peu plus fort en prenant une grande inspiration. Je me devais d'être forte, pour elle.

— Non, chuchotai-je de ma voix faible et cassée, je dois le faire. Mon meilleur ami hocha la tête avec une douceur infinie, avant de m'aider à me relever du sol où il m'avait bercée. Il passa devant moi, me protégeant un dernier instant de la réalité.

Le salon dans lequel j'avais grandi semblait figé. Toute vie l'avait déserté. Il n'était plus celui dans lequel j'avais ri avec ma mère, ni celui dans lequel j'avais pleuré certaines nuits. Ce n'était pas sur ce canapé décousu que ma mère m'avait fait des piqûres d'insuline, et ce n'était pas non plus l'endroit où je m'endormais lorsque j'étais trop fatiguée pour regagner mon lit. Ce salon et les souvenirs dont il débordait venaient de faner en même temps que le cœur de celle qui m'avait portée.

J'avais toujours réussi à trouver du beau dans cet endroit, même lorsque les murs ne nous isolaient pas du froid, ou lorsque j'entendais crier à l'étage du bas. Mais maintenant qu'elle n'était plus là, tout me semblait laid et le monde sans saveur. Je n'étais plus chez moi dans cette pièce. Je ne me sentais plus chez moi nulle part.

Laisse moi vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant