Chapitre 11

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POV Aylan :

J'appuyai mes deux paumes de mains de part et d'autre du miroir, mon corps encore ruisselant de ma douche brûlante. Mes yeux noirs se fixèrent sur mon reflet, affrontant leur propre regard. Chacun de mes muscles était tendu, ma mâchoire contractée et mon souffle court. Si je ne m'efforçais pas de me tenir debout, je pense que je me serais écroulé en pleurs sur l'ardoise noire qui recouvrait chaque parcelle de ma salle de bain. De quoi avais-je l'air, à part d'un misérable type qui tentait de donner un peu de constance à sa vie qui venait de voler en éclats ? Même mon reflet avait pitié de moi. J'enfonçai mes ongles dans les stries argentées qui ornaient déjà mes avant-bras. Je connaissais chacune de ses lignes, chacune de ses marques infligées à mes poignets.

Mes pires barrières.
Mes pires souvenirs. 

- Putain, Aylan, à quoi tu joues ?,  lâchai-je pour moi-même.

Je m'aspergeai le visage d'eau, cette fois-ci glaciale. Je ne pouvais ni ressasser le passé, ni penser à mon futur. Il ne me restait qu'à vivre dans le présent où je détestais être celui que j'étais. Je finis par regagner ma chambre, une cigarette coincée entre les lèvres. Je transgressais chacune des règles auxquelles on m'avait contraint, mais qu'est-ce que cela changeait réellement ? On m'avait collé une date de péremption sur le front, alors que je vive 5 ans ou 3, qu'est-ce que cela changeait en réalité ? Je préférais écouler ce laps de temps avec la nicotine comme meilleure amie, plutôt qu'en me voyant périr dans le regard rempli de mépris et de dégoût de mon frère. Ma famille m'a rejeté, mon frère m'a utilisé, et mes amis ne sont là plus que par intérêt. Alors si ma flamme venait à s'éteindre, qui cela attendrait-il ? Tant que personne ne s'intéressait soudainement réellement à moi, ma mort ne devrait provoquer qu'une montée exorbitante de la vente de mes albums. Au moins quelques mois avant que je sombre dans les méandres de l'oubli. Peut-être que cela valait-il mieux pour tout le monde en fin de compte.

Je sortis sur la terrasse attenante à ma chambre et m'accoudai à la rambarde qui offrait une vue imprenable sur St James Park et les monuments les plus touristiques du centre de la capitale : le Palais de Westminster ainsi que l'abbaye portant le même nom, et la très célèbre horloge Big Ben qui semblait me narguer avec ses aiguilles qui défilaient sans que je puisse jamais les rattraper. Un spectacle d'une beauté saisissante s'étalait devant moi, mais je me retrouvais incapable de simplement l'admirer. Je fermai les yeux brusquement, tentant d'échapper à la réalité, à ma réalité qui me frappait en plein fouet. Et alors que les bâtiments chargés d'histoires disparaissaient de mon champ de vision, son visage s'imposait à moi, une énième fois. J'avais l'impression que ces derniers jours seul le souvenir de ces yeux chocolat semblait avoir un effet sur moi. Elle m'avait adressé un sourire, sans artifices qui ne se voulait que réconfortant. Elle m'avait souri alors que je l'avais heurtée, alors qu'elle ne connaissait rien de moi. Alors je me convainquis qu'elle avait esquissé ce geste par pur pitié à mon égard, parce que j'allais mourir et qu'il fallait que je m'habitue à ce genre d'œillade. Parce que c'était plus simple que d'accepter d'être touché par ce geste.

Je récupérai mon portable qui était en train de charger sur ma table de chevet, et avisai des deux messages que j'avais en attente.

Alyssa : Salut Aylan, je te confirme simplement ton interview avec le Daily Mail. J'ai réussi à trouver le nom du journaliste, Cole Evans il me semble. D'après les critiques que j'ai pu lire, il est très professionnel. Il devrait réussir à te dresser un portrait qui te mettra en valeur. Je suis désolée, je ne pourrai pas être là, mais appelle-moi s'il y a quoi que ce soit. On se voit demain.

Jimmy : T'as pas intérêt à tout foutre en l'air avec cette interview. Ce n'est pas seulement ta carrière qui est en train de se jouer.

Laisse moi vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant