MIDDLE OF THE NIGHT

16

Mes genoux allongés sur ceux d'Hayden, enveloppée dans un plaid, sa main caressant délicatement l'une de mes jambes, m'apaisent. Nous regardons la télévision dans un calme paisible. Hayden est resté à mes côtés ces derniers jours, jonglant entre la caserne, son père et moi.

Nous sommes sortis plusieurs fois et avons vu Johanna hier soir.

- À quoi penses-tu ?  me demande-t-il.

Je me redresse sur un bras pour le regarder. « Rien de particulier. Je pensais juste que tu alternes entre la caserne, ton père et moi. Tu n'es pas rentré chez toi depuis quelques jours. »

Il me fixe un instant avant de se redresser également, ses doigts caressant ma joue, jouant avec une mèche de mes cheveux. 

- J'aime être avec toi. Cela m'évite de trop broyer du noir. 

Je comprends. Je me redresse sur mes genoux et l'enlace naturellement. Je sens les lèvres d'Hayden dans mon cou, des frissons parcourent mon corps. Je le regarde dans les yeux et lui souris légèrement, l'embrassant tendrement sur la joue.

Depuis qu'Hayden m'a raccompagnée, aucun baiser n'a resurgi. Même si l'envie s'est présentée à plusieurs reprises, chaque chose en son temps. Tout est si compliqué que je dois faire les choses correctement. Difficile. Ne pas se braquer, ne rien brusquer, lâcher prise. J'essaie.

Gabriel revient soudainement dans mes pensées et je me recule aussitôt pour me rasseoir correctement, me détachant de son contact si apaisant.

- Qu'est-ce que tu as, Lia ?  demande-t-il 

-  Rien, tout va bien.

- Tu mens. Pourquoi t'éloignes-tu tout à coup ? Reviens ici.

Il me saisit par la taille alors que je ris. Je me retrouve assise sur ses genoux, son rire grave résonnant dans la pièce, ce qui me fait sourire. Je le regarde comme si j'avais découvert la huitième merveille du monde.

Nos nez se frôlent, comme pour un baiser façon pingouin. Cela me rappelle quelque chose ; ma mère et moi adorions faire cela quand j'étais petite !

- Ma mère et moi avions l'habitude de faire ça quand j'étais petite. 

Je me confie soudainement à lui.

- Ah oui ? Est-ce que ça te manque ?

Je hoche la tête, crispée légèrement, ne voulant pas briser ce doux moment. J'acquiesce simplement, c'est tout. Nous étions si proches, mes parents et moi.

Mais Gabriel revient à l'esprit, brisant l'instant. Je me recule instinctivement, reprenant une position plus confortable, me détachant de lui.

Je suis plongée dans une atmosphère lugubre à cause de ce message soudain. Il veut me voir à une adresse qu'il a envoyée, sous peine de mettre en danger ceux qui me sont chers.

J'essaie de reprendre mes esprits, mais dès que je reviens à moi, Hayden s'empare rapidement de mon téléphone.

- Qui est cette personne ?

Je ne réponds pas, déconcertée par son comportement. J'essaie de reprendre mon portable mais voyant son air sombre et son regard noir, je cesse de bouger.

- Ce n'est personne, rends-le-moi, s'il te plaît. Tu n'as pas le droit de lire mes messages comme ça.

Il hausse les sourcils, énervé, sa mâchoire se contracte.

- Arrête de te foutre de moi. Regarde-toi, ton visage s'est assombri après avoir lu ce message. Est-ce que cette personne te suit depuis la dernière fois ?

Mon téléphone émet une seconde notification, et je panique. J'essaie de le saisir à nouveau mais en vain.

Il lit le message de la même personne, son agitation grandit.

- Lia, dis-moi qui est ce type ? 

Il jette mon téléphone sur le canapé et se dirige vers les fenêtres. Toujours silencieuse, je le récupère rapidement et regarde le message : une photo de nous deux, prise hier soir. Il nous suit encore et toujours. Ce n'est pas possible.

Je soupire et m'assois rapidement sur le canapé. Je lui dis simplement, dans le déni :

- Ce n'est personne. 

Hayden fait les cent pas, son énergie changeant radicalement. Dans quelle galère me suis-je mise ?

- C'est à cause de ça que tu te comportes ainsi ? Lia, je veux savoir qui est cette personne. 

Il n'aurait jamais dû le savoir, jamais dû lire, surtout jamais entrer dans ma vie.

- Hayden, c'est personnel... 

- Arrête, Lia. Depuis combien de temps te suit-il comme ça ? Pourquoi ne nous as-tu rien dit ? Je dois prévenir Johanna et Jayden.

- Non ! Non, surtout pas. Tu ne feras rien de tout ça. C'est impossible, arrête, tu ne peux pas ! Je te l'interdis !

Je me lève et me place devant lui. C'est un duel de regards qui commence.

- Tu m'interdis ? Personne ne m'interdit de protéger se a qui je tiens, alors cesse tes excuses, Lia.

- Tu ne feras rien, bon sang. Il te fera du mal. J'ai déjà perdu toute ma famille, je ne veux pas vous perdre. Alors tu ne feras rien. Je. Te. L'interdis.

Hayden me fixe d'un regard dur, son souffle rapide faisant monter et descendre sa poitrine. Il serre les mains à plusieurs reprises, en colère.

- Je suis désolé, mais tu ne feras rien, Hayden. »

- Regarde-moi bien, Lia. Je préviendrai Johanna et Jayden, avec ou sans ton accord.

Il prend rapidement ses affaires et se dirige vers ma porte d'entrée. Dans la panique totale, j'attrape son bras et me place de nouveau devant lui.

- Arrête, s'il te plaît. Vous mettrez en danger. Je t'en supplie, Hayden. Regarde-moi !

- Tu ne pourras pas m'empêcher de le faire. Écarte-toi de mon chemin.

Il me pousse sur le côté, sortant en claquant la porte violemment. Le silence s'abat brutalement, mon souffle est irrégulier. C'est fini, ils vont tous souffrir.

Alors, paniquée, je dois m'éloigner d'eux le plus rapidement possible. Mais c'est sans compter sur le message de cet homme.

- Ne t'avais-je pas dit de ne rien dire ? C'est ton heure. Dis-leur adieu, Lia.

Stressée et paniquée, je prépare un sac avec quelques affaires. La seule solution est que je parte.

- Johanna, Jayden, Hayden, je suis désolée, mais c'est pour votre bien. Que Dieu vous protège.

Je claque la porte et me dirige rapidement vers la gare la plus proche de Toronto. Je dois fuir. Sur un coup de tête, je me dépêche et prends un billet pour la destination la plus éloignée de cette ville.

Mes larmes coulent sur mes joues, ma douleur est si profonde. Les écouteurs dans les oreilles, je m'installe dans le bus et me plonge dans le silence.

Je pars. Je dois partir. Alors, avec mille pensées, le bus démarre et je m'éloigne peu à peu de cette ville. Je ne sais plus comment gérer cette situation. Il y a moins d'une heure, tout allait bien avec Hayden, et une heure plus tard, je fuis. Suis-je complètement folle ? Bon Dieu.

Alors, avec le peu de courage qu'il me reste, j'envoie un dernier message à Hayden.

- Prends soin d'eux et de toi également. Je vous aime. Au revoir.

Je verrouille mon téléphone et l'éteins pour ne plus voir sa réponse. 

C'est ainsi que ma fin sonne et que ma mort peut-être les protégera.