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Petricor - Jacob's piano

Me voilà arrivée devant mon immeuble, seule. La solitude se fait soudainement ressentir. Hayden occupe mes pensées. Je souffle et me ressaisis. Je marche alors vers l'entrée de mon appartement et monte rapidement les escaliers. J'ai tellement hâte de me reposer, mon Dieu.

J'ouvre rapidement ma porte et m'étale sur mon lit après avoir déposé mes affaires à l'entrée et enlevé mes chaussures. Ça fait un bien fou, purée. Je me relève et me motive pour aller prendre une douche et enfiler mon pyjama. Dix minutes auront suffi, et je m'allonge sous ma couette, dans mon si grand lit vide.

Il pleut à verse, l'orage gronde, évacuant sa colère.

- Tu as peur ? C'est ça ? Regarde-moi, Lia !

Il hurle, surplombant ma silhouette dans l'obscurité, quelque part, dans une pièce froide. Je pleure, impuissante. Je suis seule, livrée à moi-même. Recroquevillée, je ferme les yeux si fort que quand je les rouvre, je suis dans un endroit lumineux.

- Regarde ce que tu as fait, ils sont morts. Regarde-toi, tu es couverte de sang. C'est à ton tour, Lia.

Ce n'est pas vrai. Je tremble de tout mon corps. Ce n'est pas possible. Je n'ai pas fait ça. Mes parents, mon frère. Je regarde mes mains, couvertes de sang. Mon cœur bat la chamade.

Tu vas mourir, c'est ton heure.

Ma tête se relève vers l'homme. Il pointe son revolver sur moi. Je reste silencieuse, attendant ma sentence, mon heure. Après tout, il a raison, je le mérite sûrement.

- Tu ne récoltes que ce que tu as semé.

Sur ces derniers mots, il appuie sur la gâchette. Un bruit sourd retentit. Mes yeux se ferment et soudainement, plus rien.

Dans un sursaut, je me redresse, haletante, transpirante. Putain de cauchemar. Ce n'est pas la réalité. J'essaie d'entamer des exercices de relaxation comme me l'a appris le psy, mais c'est toujours aussi difficile. Je pleure, épuisée de revivre ce rêve incessant. Leur absence me pèse tellement. Mon passé colle à ma peau et je ne sais que faire. Je suis perdue.

Il fait toujours nuit dehors. Nous devons être en plein milieu de la nuit. J'allume ma lampe de chevet, ça me rassure un peu contre mes démons, mais ça n'empêche pas la solitude. Si j'écoutais mes envies, j'appellerais Johanna, mais il est si tard. Trois heures et demie du matin affiche mon réveil que je fixe. Je m'assois dos contre le mur et souffle, mes jambes ramenées contre moi. Je fixe un point et me calme peu à peu. Un verre d'eau serait une bonne chose.

Je me lève et me sers un verre d'eau que je bois d'une traite. Je sens que demain sera une journée compliquée. Je ne risque pas de me rendormir de sitôt. J'allume la télé pour calmer mon anxiété. Un bruit de fond m'apaise et occupe mon esprit. Je lance une série au hasard et m'installe sur le canapé, accompagnée de mon plaid.

Une heure... Deux heures... Trois heures. Toujours éveillée. Je me recouche après avoir regardé la série, mais impossible de me rendormir. Stupide insomnie, vraiment. Il est maintenant six heures moins le quart. Ma nuit a été catastrophique. Je décide de me lever pour de bon. Une douche m'apaisera, je l'espère.

Détendue, enfin légèrement, je m'habille et prendrai mon petit-déjeuner dehors. Hors de question de rester cloîtrée dans cet appartement. Une balade très tôt, à la fraîche, ne peut que faire du bien, non ? Me voilà donc dehors, marchant sans but précis, l'air frais me fait un bien fou.

Mes pensées vagabondent automatiquement et je me retrouve dans ce qui semble être un parc, le lever du soleil apaisant mes maux. Un cookie dans une main et un thé aux fruits rouges dans l'autre, je m'assois sur l'herbe devant un gigantesque lac, sublime.

Cela fait tellement de bien. Le monde se réveille à Toronto. Les oiseaux, les douces brises de vent. Cette sortie me fait du bien. Je ne sais quelle heure il est, car je n'ai pas la notion du temps. Quand je regarde mon téléphone, il est huit heures et demie.

Je me lève, jette mes déchets à la poubelle à quelques pas de moi. Mon téléphone sonne et je décroche.

- Allo ?

- Lia, c'est Johanna. Où es-tu ?

- Au parc. Pourquoi ?

- Je suis devant chez toi. J'ai sonné plusieurs fois mais tu ne répondais pas. À quel parc es-tu ?

- Je ne sais pas. J'ai marché, mais je compte rentrer maintenant.

- D'accord, je t'attends devant chez toi. Prends ton temps pour rentrer, et si tu ne retrouves pas ton chemin, préviens...

Sans regarder où je marche, je percute quelqu'un. Mon téléphone tombe au sol, coupant net l'appel. Je m'excuse mille fois auprès de la personne.

- Lia ?

Je relève la tête en ramassant mon téléphone, Hayden.

- Hayden, je suis désolée, je ne regardais pas où j'allais et...

Mes mots se font timides lorsque je me rends compte qu'il est vraiment devant moi.

- Tout va bien ? Tu as l'air fatiguée.

Je lui souris timidement. Les pensées de la nuit précédente reviennent en force. Soudainement, l'anxiété m'envahit.

- Je dois y aller, il faut que je rentre. À bientôt.

Sans attendre de réponse de sa part, je passe à côté de lui, nos bras se frôlant. Mon regard s'accroche au sien, et ce que je ressens est indescriptible. Mais je ne peux pas. Je n'ai pas le droit. Ce regard semble une éternité. Je cesse tout contact pour accélérer le pas, mon cœur battant la chamade, mon souffle rapide. Je dois me reprendre.

Je rejoins rapidement mon immeuble et repère Johanna. Elle me sourit en me faisant de grands signes. Sa joie de vivre me fait sourire. Elle est un bonheur à l'état pur.

- Enfin ! Il était temps... Oh là là, tout va bien, Lia ?

Elle m'interroge en me rejoignant. Quand elle est à ma hauteur, elle touche mon visage de ses mains, envahissante.

- Oui, tout va bien. Tu ne devineras jamais qui j'ai croisé...

- Blaire, ton petit jeu ne marche pas avec moi.

Elle se poste face à moi, les bras croisés.

- Tout va bien ?

Sa question ne fait qu'aggraver mon anxiété. Je ne veux pas en parler.

- Écoute, je ne veux pas en parler, alors Johanna. Oui, tout va bien.

J'ouvre la porte de mon immeuble et m'engouffre dans le hall, tenant la porte pour Johanna.

- Blaire, arrête de tout garder pour toi. Tu ne peux pas continuer comme ça. Toute cette histoire te ronge et tu ne peux pas le nier.

- Johanna, stop. Ce n'est pas le moment ni l'heure. Si tu es venue me prendre la tête pour ça, tu peux repartir, la porte est grande ouverte.

Je lui fais signe, son visage se crispe. J'ai touché un point sensible en refusant son aide. Elle s'inquiète pour moi, mais ce n'est pas le moment. Un peu de remords s'immisce en moi. Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle a déjà fait demi-tour et monté dans sa voiture.

Je soupire, lâchant la porte. Mon corps reste immobile. Mes pensées envahissantes. Je m'assois sur la première marche des escaliers, épuisée. Je ne bouge plus. Je suis vraiment pathétique.

Je dois faire cesser toutes ces pensées néfastes par tous les moyens possible, il est l'heure.



MIDDLE OF THE NIGHTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant