𝟣𝟢 | 𝖵𝖺𝗅𝗂𝖺.

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VALIA

⋆.˚ ☾ .⭒˚

Tokyo, arrondissement de Taitō, parc d'Ueno

Boum.

Mes émotions volent en éclats. Je me démène pour en attraper les morceaux, mais ils s'envolent loin de moi, par-delà les nuages orangés. Le soleil se lève timidement, comme lors d'un jour ordinaire. Pour moi, c'est une aurore de plus sans Mike, celle qui marque son départ pour les cieux il y a un an déjà.

Depuis cette nuit fatidique, le temps me paraît plus long, comme s'il avait ralenti soudainement. Mon cœur demande à retourner à New Haven et de pleurer sur sa tombe pendant des heures, jusqu'à ce que je finisse aussi desséchée qu'une fleur flétrie.

Quant à mon esprit, il crie vengeance, justice et noie mon âme dans une colère noire. Mike ne méritait pas de mourir. J'aurais dû être à sa place.

Le parc d'Ueno m'accueille chaleureusement en cette matinée glaciale. La gorge serrée, je porte mon corps le long de l'étang de Shinobazu, grignoté par la flore.

Si je peux marcher librement ce matin, c'est parce que j'ai raconté à Madame Aono que j'étais malade et que je ne pouvais pas me présenter à la supérette. Au lieu de quoi, je me prépare à monter sur un skateboard. Mes membres engourdis commencent à regretter le réveil à cinq heures.

— Désolé pour le retard, dit une voix grave derrière moi.

Ace effectue une figure compliquée avec son skate et s'arrête à mes côtés dans un dérapage maîtrisé. Il porte son masque aux reflets violets, qui me laisse seulement apercevoir ses yeux.

— Pourquoi tu ne portes pas tes lentilles ?

Son regard brillant me fixe intensément et je devine qu'il sourit.

— Tu as peur que quelqu'un m'attrape ? ironise-t-il. Ne t'en fais pas, Whealin, tu devras supporter comme prévu "le plus naze des professeurs" toute la journée.

Mon nom sur ses lèvres me procure un sentiment étrange que je refoule au fond de mon être.

Deck, grip, nose, tail, trucks, roulements, roues, je récite en détournant la tête vers l'étang. Maintenant que j'ai appris mon cours, prof', on peut passer à la pratique ?

En guise de réponse, le rire d'Ace parvient à mes oreilles. Sa capacité à trouver la moindre occasion de se moquer de moi reflète une certaine expérience dans la connerie.

— Tu t'es entraînée ces trois derniers jours ? reprend-il avec plus de sérieux.

Je passe la planche de mon frère sous mon pied et grimpe dessus sans difficulté. Je n'ai aucun mal à trouver mon équilibre, ce qui ravit mon professeur.

— Parfait, approuve-t-il. La prochaine étape va être de déterminer ton pied d'appui.

Ace me contourne et se plante derrière moi. Ses mains se positionnent sur mon dos, et sans que je puisse protester, il exerce une pression et me projette en avant. Un cri de surprise s'échappe de mes lèvres, bien que je réussisse à me rattraper.

— Tu veux me tuer ou quoi ?! hurlé-je encore verte de peur.

— Pied droit, a priori, marmonne Ace dans sa barbe.

Je lui adresse mon regard le plus meurtrier, ce qui ne l'affecte pas le moins du monde.

— Quand je t'ai poussée, c'est ton pied droit qui est parti devant en premier et sur lequel tu t'es réceptionnée, explique-t-il. Je ne t'ai pas prévenue parce que ça aurait pu influencer le résultat.

NIGHTBREAKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant