Dare Me

9 - Leda

Ne pas avoir la notion du temps est une des pires choses qui puisse m'arriver. Qu'il fasse nuit ou alors jour à l'extérieur, dans cette pièce qui a le même éclairage depuis ce qui semble être une éternité, je n'ai aucun moyen de connaître le temps qui s'écoule. Ça me démange de ne pas savoir depuis combien de jours je suis là, mais ce qui me dérange le plus est de ne pas savoir combien de temps je vais encore rester assise dans ce sous-sol délabré à attendre impatiemment d'avoir des putains de nouvelles de mon meilleur ami.

Mon regard bascule vers la porte quand j'entends de nouveau le bruit de la serrure. Alors que je m'attendais à voir le visage doré du brun qui vient habituellement me voir, je rencontre celui d'un blond. Il a l'air si jovial, pourquoi est-ce que les hommes d'une beauté enivrante sont si dangereux ?

C'est la première fois qu'il vient, la seule fois où j'ai pu l'apercevoir, c'est quand il se tenait devant le corps tuméfié de Brons. Ses jointures couvertes de croûte, je devine facilement comment c'est arrivé. Quand il aperçoit sûrement mon regard embué fixé à ses mains, il sort rapidement des gants de ses poches arrière avant de les enfiler. Doucement, le blond s'approche de moi et pose une bouteille d'eau fraîche ainsi qu'un sandwich à mes côtés. Je me demande si Bronson reçoit les mêmes denrées que moi.

Je ne sais pas pourquoi l'individu reste planté face à moi, à me fixer, les sourcils froncés, comme si j'étais une énigme qui lui était impossible à résoudre. Je refuse de détourner le regard la première, et apparemment ça l'amuse, puisqu'il détourne le regard en poussant un rictus hautain. Il sait pertinemment qu'il a le pouvoir. Malgré que je sois sûr qu'il ne me fera aucun mal et que son acolyte n'est pas présent, je ne tente rien. Je pourrais m'échapper et courir jusqu'à en perdre haleine, mais je ne le fais pas, parce qu'ils détiennent la chose qui m'est le plus précieuse dans ce bas monde.

— Tu n'es pas aussi innocente que tu le laisses paraître, n'est-ce pas, Leda ? Me questionne-t-il sur un ton rauque, le timbre de sa voix est raillé, il se fiche de moi. Il se moque de moi en me lançant des vérités que je n'admettrai pas. Moi, Leda Redd, maîtresse dans une école maternelle, je suis actuellement enfermée dans un sous-sol parce que mon meilleur ami a volé les mauvaises personnes alors qu'il m'avait promis d'arrêter.

Je peux rester dans le déni autant de temps que je le veux, mais la vérité remporte toujours la partie. Je suis une voleuse, je n'ai pas su protéger Brons de sa déviance et il m'a menti alors que je lui donne aveuglément ma confiance depuis dix-sept ans. Je ne réponds pas à la question, qui est à mon sens plus rhétorique qu'autre chose, et me cloître dans mon mutisme alors qu'il s'accroupit pour me faire face.

— Moi, c'est JJ. Il me tend sa main comme si j'allais la saisir et oublier que c'est cette même main qui s'est abattue sur le visage de mon ami pour le faire souffrir.

— Je me fiche de votre nom. Répondis-je sèchement, mes yeux rivés au sien. Ils sont bleus comme Brons, mais sa couleur à lui est différente. Bronson a des yeux clairs, purs, toute la bonté de son âme se reflète dans ses prunelles alors que l'homme en face de moi a des iris sombres, sa couleur me rappelle l'océan lorsque les tempêtes se font violentes dans la région, toutes ses tempêtes émotionnelles sont écrites dans ses yeux.

— Tu vas devoir t'habituer à l'entendre, ma jolie. Sur ses mots, il se relève et disparaît derrière l'embrasure de la porte, me laissant Penaude repasser en boucle sa phrase dans mon esprit, me demandant le sens de ses mots. Comment ça, je vais devoir m'habituer à l'entendre ? Est-ce que ça veut dire qu'ils ne comptent pas nous relâcher, mais qui n'ont pas non plus la foi de nous tuer ? Est-ce que ça veut dire que je vais rester pendant encore des années enfermé dans ce sous-sol sans autre contact humain qu'avec mes deux bourreaux ? Et surtout, est-ce que ça veut dire que je ne reverrai jamais mon blond ?