Putain de garce déconcertante.
Je quitte la chambre la laissant seule regretter ses actes désespérés. J'ignore d'où lui vient cette soudaine audace et je ne veux pas savoir pourquoi elle l'utilise de cette manière. Tout ce que je veux, c'est que ses délires ne m'atteignent pas, pas de cette façon. D'aucune façon. Je me dirige à grande enjambée vers ma chambre, en face de la sienne, et je ferme la porte. Il n'y a pas assez de murs, pas assez de distance, pas assez de surface qui me sépare d'elle.
Une bonne douche froide s'impose.
Il faut que je l'efface de mon esprit, encore plus maintenant qu'elle vit sous mon toit avec son trou du cul d'ami. Heureusement, les deux blonds dorment à l'étage du dessus. Je me suis bien gardé de le dire à la rousse, mais ce n'est qu'une question d'heures avant qu'elle s'aventure en dehors des parois sécurisantes de sa chambre pour se jeter entre les griffes de son ami.
°°°°°
« Des cris.
Je n'entends que ça. Les mains que je pose sur mes oreilles ne suffisent pas à étouffer les bruits. Je veux que ça s'arrête, je ne veux plus qu'elle crie, mais je n'arrive pas à trouver la source de ses cris. Où est-ce qu'elle est ? Je cours, je marche, je rampe, mais rien n'est suffisant pour que je l'atteigne. Elle est à la fois si loin et si près. Elle est loin, mais ses cris, eux, sont tous près, ils résonnent en chœurs dans mon cerveau. Emia proteste, hurle et supplie pour qu'on la relâche, mais rien n'y fait. Mes yeux sont ouverts, ma vue obstruée par le sang : je ne vois pas clair, je préférerais ne rien voir du tout.
Mes parents allongés au sol, ils sont inconscients, des bouts de verre plantés partout sur leurs corps, ils ne se doutent pas de la chance qu'ils ont de ne pas pouvoir assister à la scène qui se déroule. Ma sœur, mon âme jumelle, se fait embarquer dans une voiture par des hommes inconnus. Je veux les arrêter, je supplie les cieux de me libérer et de m'aider à les arrêter, mais mes prières ne se font jamais entendre. Je suis bloqué sous notre voiture accidentée et je ne peux rien faire, mis à part observer nos vies s'écrouler.
Je ferme les yeux, ce qui me semble être rien qu'une petite seconde, mais quand je les réouvre, elle n'est plus là. Une panique intense s'empare de moi, je balade mes yeux absolument partout autour de moi, seulement aucune trace d'elle et de ses malfaiteurs. Les hurlements d'Emia ont cessé, les sanglots n'ont pas cessé, mais je ne les écoute pas. La seule chose à laquelle je pense est à ma sœur et aux horreurs que ces hommes pourraient lui infliger. Je ne peux m'empêcher d'imaginer toutes les façons dont je pourrais et dont je vais me venger d'eux. »
Haletant et en sueur, je me réveille en me redressant dans mon lit. Quand mon pied touche la surface froide du sol et que je me redresse, je divague et me rattrape de justesse à ma tête de lit. Ma respiration ne parvient pas à se réguler toute seule. Ne parvenant pas à marcher, je m'assied à terre et ramène mes jambes contre mon torse. Le visage enfoui entre mes genoux, je sens ses derniers se tremper des larmes qui coulent de mes yeux sans aucun contrôle.
Je n'ai pas su la protéger, je n'ai pas pu la protéger et près de vingt ans plus tard, je n'arrive toujours pas à mettre la main sur elle. J'ignore où elle est et j'ignore si ses fils de pute de Gotesman s'en prennent à son âme pure. Je sais qu'elle est toujours en vie, appeler ça de la naïveté, de l'espoir ou de la stupidité, je m'en fou. J'en ai la certitude, c'est peut-être un truc de jumeaux, je le sens au plus profond de moi. Emia est quelque part dans la nature, terrifiée et retenue contre son gré, mais elle est en vie et elle se bat comme elle l'a toujours fait contre ses bourreaux.
Une boule d'acide me monte à la gorge et je me dirige précipitamment vers la sortie de ma chambre pour gagner les toilettes au fond du couloir. Accroupi dans cet espace étroit, je vomis mes tripes en pensant à toutes les fois où elle a dû être dans ma situation. Toutes ces fois où l'angoisse s'est emparé de mon corps sans aucune raison, je le sais. Même si tout le monde me pense fou, je le sais. Chacune de ses fois, je ressentais son angoisse, sa douleur à elle. Et chaque fois, ma haine n'a fait que grandir.
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Dare Me
RomanceLeda a toujours tout fait pour les gens qu'elle aime, donc quand son meilleur ami d'enfance, Bronson, lui demande de le suivre dans ses plans dangereux pour l'aider à payer ses frais médicaux, elle accepte sans grande hésitation. Seulement elle ne...