Dare Me

2 - Leda

Je déteste devoir gérer les embrouilles entre les gosses, mais je me dois de le faire. Quand j'étais gamine, personne ne prenait jamais ma défense, quand les petits cons de Dealan-dè me persécutaient sans aucune raison. Alors maintenant, je fais de mon mieux pour aider les enfants qui se font injustement mettre à l'écart.

— Salut, crevette. Pourquoi tu es toute seule ? demandais-je, en m'accroupissant doucement, à Nelya qui est assise seule dans son coin alors que tous les autres enfants de ma classe jouent à «trappe trappe».

— Ils ne veulent pas... Que... Que je joue avec eux, sanglote-t-elle en s'écroulant dans mes bras, alors que mon cœur se brise en mille morceaux.

Pour ses quatre ans, Nelya est une enfant très intelligente, à en faire jalouser ses camarades. C'est pour cela que nous la retrouvons souvent isolée du reste du groupe. Nous avons conscience que l'emmener de nous-mêmes vers le reste de la classe ne fait qu'accentuer cette colère inappropriée qu'ont les élèves pour elle, mais nous ne pouvons malheureusement rien faire d'autre.

Du moins ça, c'est ce que ma patronne dit.

Je sais que je ne peux pas résoudre le problème dans l'instant même, mais je me promets de le faire quand j'aurais trouvé une solution. Pour le moment, je me contente de jouer avec elle pour essayer d'estomper la solitude qui lui serre probablement le cœur.

Une fois la récré terminée, je confie mes élèves à leurs ATSEM et me dirige vers la sortie de l'établissement. Les enfants mangent et puis vont faire la sieste, donc j'ai deux bonnes heures devant moi pour aller déjeuner avec Brons dans le restaurant dans lequel il travaille. Mon meilleur ami a un don exquis pour la cuisine depuis que nous sommes tous jeunes et depuis quelques semaines, il a décidé de mettre son don au profit des autres pour gagner de l'argent, faute de pouvoir faire des cambriolages.

Après mûre réflexion, la raison lui est revenue et il a accepté sa défaite en admettant que j'avais raison : ce milieu est nocif pour nous. Et je suis tellement heureuse qu'il ait trouvé sa vocation dans un restaurant aussi chic que celui dans lequel il a été embauché. Certes, pour l'instant, il ne peut pas cuisiner comme il le souhaiterait, mon pauvre ami est relayé à la plonge, mais ce n'est que le temps de faire ses preuves, c'est comme ça que marche la vie normale.

Un sourire s'empare de mes lèvres quand je le repère assis à une table, les yeux plongés dans le vide alors que le soleil l'illumine de toute part. Brons est d'une beauté à s'en couper le souffle et je ne suis pas la seule à le remarquer. Des dizaines de filles le fixent hypnotisées par ses cheveux dorés, élégamment coiffés en arrière, par ses yeux bleus d'une nuance si clair que l'on pourrait s'y noyer sans vouloir s'en échapper. Enfin voilà, Bronson est beau et il le sait, c'est ce qui est le plus frustrant.

Quand le blond me voit arriver, il attend que je sois suffisamment proche pour m'enlacer, lui aussi souriant de ses dents parfaites. Je m'installe face à lui en sentant tous les regards probablement un peu jaloux se poser sur moi. Les demoiselles pensent sûrement que je suis sa copine et je ne compte pas nier quoi que ce soit, je ne le fais jamais.

— OK, alors j'ai deux plans pour ce soir. Mon sourire se fend alors qu'il remet le sujet sur la table. Qu'est-ce que je disais, ce mec est aussi têtu que moi, c'est insupportable. Tu me dis lequel est le meilleur selon toi.

— Brons, on avait dit que-

— Non, c'est toi qui a décrété ça, rétorque-t-il, me coupant la parole comme toujours. C'est ton anniversaire, Leda, vingt-trois ans ça ne se fête pas tous les jours !

Je sais qu'il a raison, seulement, je n'aime pas fêter mes anniversaires, mais comme chaque année, je cède parce que je n'arrive pas à lui dire non. Je passe toujours de très bonnes soirées, ce qui me dérange, c'est le lendemain. Quand je me réveille et que je me souviens que j'ai fait la fête toute la nuit pour célébrer une année de plus en vie, alors que ça marque également une année de plus depuis la mort de mes parents, par ma faute.