19 ♦ Le repère

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"Aussi infime était-il, aux yeux de son propriétaire, il était visible comme le nez au milieu de la figure"

ADÉLAIDE


Nous avions passé la nuit près d'un vieux sentier abandonné, lequel arborait des déchets et autres vestiges de maisons écroulées. Les hyènes avaient fini par abandonner leur course lorsqu'Alexius et moi nous étions perchés en haut d'un arbre suffisamment solide pour supporter notre poids à tous les deux.

Je ne craignais pas de ne pas revoir Ezekiel et Elya, il ne faisait aucun doute qu'ils retrouveraient leur route, lorsque le jour serait levé.

Aux premiers rayons du soleil, je me réveillai, brutalement. J'avais passé une nuit terrible à enchaîner les cauchemars. Le Rubis était là, à portée de mains et pourtant, on me l'arrachait de la poitrine comme on arrache le cœur de sa proie. La souffrance que je ressentais dans mon songe, se répercutait sur mon rythme cardiaque.

Je m'étais réveillée en sursaut alors que les premiers rayons du soleil réchauffaient ma peau. Alexius sut me rassurer lorsque je lui expliquai ce dont j'avais rêvé. Il me confia qu'il n'avait pas rêvé de son Saphir depuis bien trop longtemps et que parfois, il pensait ne plus en être digne.

Ce lien entre le Gardien et la Gemme pouvait être néfaste, négatif, obsessionnel et douloureux. Nous étions formé pour être Gardien, nous étions élevé pour que notre seule raison de vivre soit celle obtenir le pouvoir d'une Gemme afin de protéger notre monde en sachant pertinemment la douleur que ça engendrerait, et tous les sacrifices que ça demanderait.

Nous retrouvâmes Ezekiel et Élya peu de temps après nos premières heures de marche, à suivre le fleuve dont nous avait parlé Élya. Dorénavant, ce que nous cherchions, c'était ce repère. Je sentais quelque chose, j'entendais quelque chose. Comme un rythme cardiaque régulier, fantôme et imaginaire. Je savais que mes camarades n'entendaient rien, alors je ne leur partageais pas les phénomènes qui animaient mon esprit.

Lorsque je regardais l'eau du fleuve, elle semblait onduler d'une drôle de façon, comme si son courant était contre la force du vent et de la gravité. Comme si, là où circulait le fleuve à contresens, était l'endroit où je devais me rendre. Alors pendant qu'ils observaient les alentours à la recherche d'un repère, je remontai le fleuve, laissai glisser ma main sur le tronc couvert de mousse d'un vieil arbre et écoutai l'environnement qui m'entourait.

Adélaïde... entendis-je comme un murmure au creux de mon oreille.

Je n'y prêtai pas attention la première fois. Je farfouillai dans des fourrées que n'écrasai ensuite sous mes semelles, j'observai les branchages des arbres.... Le repère devait me sauter aux yeux, c'était obligé, une évidence.

— Adé ? Ne t'éloigne pas trop de nous ! Appela Alexius à quelques mètres de là derrière des buissons feuillus.

Adélaïde... entendis-je à nouveau au creux de mon oreille.

Cependant cette fois, une mèche de mes cheveux vola comme si quelqu'un venait de me souffler dessus. Mes poils se hérissèrent et je me retournai brusquement.

Quelqu'un se trouvait là, devant moi. Quelqu'un, le visage dissimulé sous une large capuche, comme si ses traits étaient dispersés dans les ténèbres. L'individu leva sa main, la tourna, le poing serré et lorsqu'il ouvrit sa paume vers le ciel, le Rubis était là, au creux de sa main. Il étincelait sous la lumière du jour, il émanait de lui une puissance chaleureuse et rassurante.

Je voulus le prendre mais la vision disparut et je manquai de trébucher en avant. Mon pied se posa sur un piege qui déclencha une corde. Celle-ci s'enroula autour de ma cheville en une fraction de seconde et je fus capturée comme du bétail. La tête en bas, mon épée glissa de son fourreau pour atteindre le sol et mon pied fut privé de son sang.

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant