10 ♦ Le début d'un long périple

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"Les crampes, les pieds rongés par la corne, les cloques, la fatigue... l'évidence du corps d'un voyageur" 

ALEXIUS


Élya s'était endormie, la tête appuyée contre mon dos et ses bras en ceinture autour de ma taille. Elle ne pesait pas lourd, elle n'était pas très dérangeante. Nos chevaux commençaient, eux aussi, à se fatiguer, tout en sachant que nous ne savions pas vraiment où nous partions. Adélaïde et Élya nous avaient décrit les lieux qu'elles avaient vu dans leur vision mais des forêts et des fleuves, il y en avait partout. C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. 

Je me rappelais très bien, cent cinquante ans plus tôt, comme il avait été difficile de retrouver nos gemmes, le voyage avait duré plus d'une année entière et les sévices du Nécromancien avaient pris beaucoup trop d'ampleur pour nous assurer la victoire. 

Je savais à quel point mes camarades gardent une profonde rancœur en eux, moi aussi, je l'avais. Je vivais avec, comme une habitude ou un fantôme qui me hantait pour l'éternité. 

En cent cinquante ans, nous avions pu profiter de nos vies. Enfin, moi, j'en avais profité. Ezekiel restait cloitré dans ses remords, dans son seul but ultime de Gardiens et Adélaïde préférait ne pas faire de bruit ou se faire remarquée. 

Je ne regrettais rien de ces cent cinquante dernières années pour la simple et bonne raison que nous étions dorénavant condamnés à nous battre. Le premier combat avait été fastidieux, le second serait forcément pire. 

— Donc il faut qu'on trouve un fleuve... dans une forêt, commençai-je. 

— Je crois, oui. Il y a quelque part dans cette forêt, une grande demeure, avec un bosquet dans ses jardins mais elle est gardée, je ne sais pas par qui. Cela... seule Élya pourra le deviner, rétorqua Adélaïde.

— Comment étaient les arbres de la forêt ? demanda Ezekiel. 

— Moussus, verdâtres... pourquoi, ça te dit quelque chose ? s'enquit Adélaïde. 

Nous avancions au pas, les uns derrière les autres, sur un chemin de terre, dans des bois aérés. Le bruissement des feuillages était agréable et l'ombre qu'ils créaient satisfaisante à cause de la chaleur environnante. Les coucous et autres oiseaux émettaient leurs chants joviales, comme un conte de fée, ici tout semblait vivant et imperturbable. 

— La mousse signifie une grande présence d'humidité dans l'environnement, expliqua Ezekiel. Ici par exemple, c'est beaucoup trop sec. Il faut remonter plus au Nord, derrière les Montagnes, là où la pluie se fait plus fréquente. 

Ezekiel avait un réel don d'analyse, proche de la nature, il était très souvent le meilleur en orientation mais encore trop vieux jeu, coincé cent cinquante ans plus tôt. 

— Alors allons-y, poursuivis-je, il serait bon d'atteindre au moins le pied de la montagne avant la nuit. 

— Je suis d'accord, acquiesça-t-il. 

— Pour une fois ! raillai-je. 

Nous prîmes le chemin à travers les bois pour rejoindre la montagne et dûmes faire pleurs pauses pour désaltérer nos chevaux. La charge de nos équipements plus nos poids respectifs les épuisaient par cette chaleur. Nous ne pouvions pas leur en demander trop et devions respecter leurs besoins. 

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant