28 ♦️ Sentiments

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« Au plus proche de la mort, le sentiment le plus fort ressenti est celui de la vie. »

EZEKIEL

Je n'avais plus pensé à cela depuis bien longtemps. Ce sentiment qui étreint la gorge, celui qui nous fait perdre nos moyens. J'avais ressenti cela, dans cette crypte sous la fontaine, quand les morts n'en finissaient plus, quand les attaques se succédaient. J'avais eu peur de perdre mes amis, les seuls qui me restaient. Adélaïde était une femme puissante, une véritable guerrière qui, malgré les épreuves que la vie avait pu lui infligé, s'était relevée à chaque fois et cette bravoure qui lui collait à la peau, cette même bravoure qui l'avait poussée à invoquer son Rubis sans une once d'hésitation. Il y avait Alexius, probablement la personne avec lequel mon caractère collait le moins et le mieux à la fois. Il était un frère, véritable, loyal et agaçant. Mais je ne voyais pas ma vie sans l'un ni l'autre. 

Puis il y avait Elya. Même si j'y avais mis toute mon âme pour la garder loin de moi, je ne pouvais nier l'attachement que j'éprouvais pour elle. i on en oubliait son physique charmant et la douceur de sa voix ou de ses gestes, Elya avait prouvé à bien des reprises que nous pouvions avoir confiance en elle. 

Pouvions-nous en dire autant ? 

Elle avait fait preuve de courage en luttant contre un mort-vivant et en saisissant à pleines mains, le Rubis qui aurait pu l'atomiser en quelques secondes seulement. Rien que pour cela, nous pouvions dorénavant la compter parmi les Gardiens. En tant que Quatrième et dernière Gardienne des Gemmes. 

Difficile pour moi de le dire de vive voix ou même d'assimiler ce que je ressentais. Quand bien même, avouer qu'elle me plaisait ou que je tenais à elle me semblait aussi ridicule que de croire en des Dieux qui n'avaient jamais levé le petit doigt pour nous venir en aide. 

Lorsque je sentis un faible picotement dans ma nuque, je sus que le portail était ouvert pour nous ramener à l'académie des Gardiens, là où nous avions grandis. Je n'avais pas repris contact par télépathie avec eux depuis des années, en fait, depuis un siècle. Mais voilà, Alexius et Adélaïde avaient besoin de soins. Je n'aurais pas dit non pour des sutures également. Je me sentais de plus en plus faible à mesure que le temps défilait. 

J'aidai Alexius à se remettre sur pieds, Elya aida Adélaïde et je me dirigeai vers la porte au fond du vestibule, celle qui donnait probablement sur une pièce annexe où empiler des affaires inutiles. Je posai ma main sur la poignée de la porte fermée et je sentis cette électricité remonter le long de mon avant-bras. C'était bien là, notre porte de sortie. Je jetai un coup d'oeil par dessus mon épaule, le hall de l'entrée était assiégé par les feuilles mortes et la boue que nous avions ramené sur nos pas. Au dehors, par les portes battantes ouvertes dont l'une n'était même plus sur ses gonds, nous pouvions apercevoir tous ces corps gisants là, immobiles et pour la plupart, en plusieurs morceaux. Même les membres de la Confrérie subirent ce sort qu'était de goûter au tranchant de nos épées. Chaque fois que nous les tuions, ils revenaient à la vie par le pouvoir de notre ennemi. 

Je me résignai à ignorer la violence qui avait baigné cette nuit dans le sang et ouvrit la porte. De l'autre côté, ce n'était pas une pièce inutile mais bel et bien le Hall de rassemblement de l'Académie, aussi grand que dans mes souvenirs. Je fis un pas en avant, passant le seuil de la porte et ainsi, je me retrouvai là, à Pryora, l'endroit où les Gardiens étaient formés et résidaient, jadis. 

Alexius leva la tête vers les hauts plafonds voûtés. Leur hauteur nous avait toujours impressionné et nous nous demandions, quand nous étions encore jeunes, comment les agents d'entretiens faisaient pour nettoyer tous ces lustres en plein milieu de la salle tant elle était grande et pouvait accueillir plus de deux cents personnes. La décoration sophistiquée et soignée ne fut pas sans me rappeler mes heures passées ici et je ne sus trop comprendre l'émotion qui m'envahit. 

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant