12 ♦ La fièvre

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"Alors que la fièvre frappait, les esprits se chamaillaient."

EZEKIEL

Je rêvais de mon enfance en orphelinat, des heures d'entraînement intempestives, des tortures et sévices subis pour renforcer notre système. Je rêvais aussi de mes amis, des liens tissés au fil des années, ce qui radoucit mon songe. Pourtant, des cris et une anxiété certaines se mêlaient à la sérénité de mes pensées. 

Lorsque j'ouvris un œil, puis l'autre, le jour était levé. Les sons parvinrent jusqu'à mes oreilles et me redressai brusquement lorsque je vis Alexius et Adélaïde maintenir Élya au sol, victimes de brusques convulsions. 

— Il faut lui trouver un sorcier, elle doit être désenvoûtée ! cria Adélaïde.

Le corps frêle d'Élya gesticulait puis petit à petit, les convulsions s'atténuèrent jusqu'à disparaître. Elle rouvrit difficilement ses yeux, le visage couvert de sueur, ses cheveux emmêlés. 

— Où... où suis-je ? demanda-t-elle faiblement. Agnès ? Où est Agnès ? 

— Elle n'est pas là, soupira Adélaïde. 

— Je vais la porter, se dévoua Alexius. 

Il la porta, un bras sous ses jambes et l'autre dans son dos. 

— Passons par la grotte, j'y ai été cette nuit, elle donne de l'autre côté. Pas de risque, mis à part des rats, il n'y a rien de bien dangereux. 

Je me penchai légèrement en avant pour regarder sous nos pieds, les morts étaient tous écroulés, des mouches au dessus des cadavres en putréfaction, inactifs, vides. Ne laissant derrière eux, plus qu'une violente odeur nauséabonde. J'acceptai de les suivre dans les grottes, nous dûmes nous guider par le toucher. Nous laissions notre main traîner le long de la roche et guidions Alexius avec notre voix. 

Il faisait frais sous la grotte alors qu'à l'extérieur, sous le soleil de plomb, la chaleur étouffait. Nous rejoignîmes l'autre côté de la montagne, et suivîmes le chemin nous ramenant dans une vallée lointaine. Nous pouvions la voir de là où nous étions, encore à des kilomètres de là. Il nous faudrait toute la matinée pour rejoindre le village, si ce n'était une bonne partie de la journée. 

Élya ne cessait de gémir, lorsqu'elle ne dormait pas, ses propos étaient incohérents et la morsure sur son épaule empirait à vue d'œil. Cela n'allait pas la tuer, uniquement si nous agissions avec l'aide d'un sorcier avant que la fièvre ne l'emporte. 

— Comment avons-nous pu être sacrés Gardiens des Gemmes si nous sommes incapable de garder notre Guide saine et sauve ? maugréa Adélaïde ouvrant la marche. 

— Nous n'avons qu'à lui apprendre à se défendre, rétorquai-je.

— Avez-vous vu l'épaisseur de ses bras ? Élya n'a rien d'une guerrière, c'est une femme précieuse, déclara Alexius. N'allons pas l'abîmer. 

— Peut-être mais elle peut en devenir une, protestai-je. Elle doit apprendre à se battre, elle doit nous aider. Leone nous aidait. 

— Leone est morte. Nous l'avons trahi, grommela Adélaïde. 

— A qui la faute ? lança Alexius. 

— Qu'insinues-tu ? m'offusquai-je. 

Peut-être étais-je fautif. Je m'étais attaché à Leone, comme un frère tient à sa petite sœur. Nous nous entendions bien, je lui avais promis monts et merveilles. Eu lieu de cela, elle eut droit à la trahison et la mort. Nous avons offert son âme au Nécromancien. Vaincus, sans autres solutions, il n'attendait qu'une chose : une âme visionnaire, capable de le repaître suffisamment longtemps pour calmer sa faim. C'était un marché, celui scellé bien avant notre naissance par le Royaume, nous n'avions fait que gagner du temps, en lui donnant ce qu'il voulait. 

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant