Chapitre 5 - Summer

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Je grimpe dans l'ascenseur et enfonce le bouton du 5ème étage avant de m'appuyer au fond de la cabine.

— Bonzour.

Je relève la tête pour découvrir un adorable jeune homme.

— Bonjour, je lui réponds avec un sourire.

— On va au même étaze. 

— Oui, apparemment. Tu es tout seul?

— Oui, ze sais me débrouiller, annonce t il fièrement.

Je ne suis pas d'humeur à faire la discussion mais son visage rond et ses yeux en amandes ne me trompent pas sur son handicap. Malgré sa trisomie, il sourit au monde qui l'entoure comme si tout était merveilleux et je m'en veux presque de me morfondre depuis deux semaines. Alors, pour lui je fais l'effort de sourire et répondre à ses questions.

— Tu vas où?

Je rigole face à sa question indiscrète quand notre cabine est secouée. Les lumières s'éteignent avant de se rallumer, la cabine ne bouge plus.

— Qu'est ce qu'il se passe?, me demande t il effrayé.

J'appuie sur le bouton d'ouverture des portes, mais plus rien ne répond. Génial, il ne manquait plus que ça! 

— On est coincé? On va mourir? Ze vais pas revoir mon frère. Olala, olala.

— Eh, tout va bien. Regarde moi, voilà. Respire, souffle, super, tu es génial. Comment tu t'appelles?

— Boris.

— Ecoute Boris, l'ascenseur s'est arrêté pour le moment. Je ne sais pas pourquoi mais on va appeler l'assistance et ils vont vite nous sortir de là, d'accord? Personne ne va mourir et tu reverras ton frère.

Il hoche la tête mais tout son corps tremble. 

Les petits poissons dans l'eau nagent, nagent, nagent, nagent, nagent, les petits poissons dans l'eau, nagent aussi bien que les gros, chantonnent t il en se balançant d'avant en arrière.

Sa main serre la mienne comme pour s'ancrer dans la réalité et il chante sa chanson en boucle. Je vérifie mon portable, aucun réseau mais je m'en doutais, je n'ai jamais de réseau quand je viens dans ce cabinet médical. J'appuie sur le bouton d'assistance et attends que quelqu'un nous réponde.

— Assistance KoneElevator à votre écoute?

— Bonjour, on est coincé dans l'un de vos ascenseurs.

Après avoir pris l'adresse et l'étage approximatif où nous sommes bloqués, la jeune femme s'inquiète du nombre de personnes dans la cabine.

— Nous sommes 2.

— Personne âgée, femme enceinte? me demande t elle sur un ton monocorde et complétement détaché de la situation qui me donne envie de lui tordre le cou.

— Non mais..

— Très bien, je vous envoie un agent dès que possible, me coupe t elle.

— Mais attendez, ça veut dire quoi dès que possible?

— Aucune idée.

— Génial, je m'énerve alors qu'elle raccroche.

Je ne suis pas claustrophobe mais tout de même, personne n'aime être coincé dans ce genre d'endroit. Boris me serre la main de plus en plus fort et je comprends que je vais devoir l'aider à gérer son stress qui semble l'envahir un peu plus à chaque seconde. Il chante toujours et je décide de m'asseoir. Boris me suit et se met tout contre moi, son bras autour de mon épaule, il colle nos fronts l'un à l'autre. 

Les petits poissons dans l'eau... continue t il.

— Comment tu te sens?

—  Il va me disputer, il veut pas que ze prenne l'ascenseur tout seul, il va me disputer, geint il.

— Mais non, personne ne va te disputer, parce que tu n'as pas pris cet ascenseur tout seul, tu es avec moi.

Il sourit en comprenant ce que je lui dis. 

— Pourquoi tu es là? Toi aussi tu vois le Dr Todd?

—  Non, j'allais chez le gynécologue.

— Pourquoi?

Je prends une grande inspiration et me décide à lui répondre. Après tout, le temps passera peut être plus vite en discutant avec lui. Et parler semble le calmer, il ne se balance plus, ses yeux plongés dans les miens.

— Mon ancien amoureux m'a fait très mal au cœur alors j'avais besoin de voir le docteur pour être sur que tout va bien, tu comprends? 

— C'est pas zentil ça. On ne doit pas être méchant avec les autres. 

— Tu as raison, Boris. Mais lui, il s'en moque, c'est comme ça.

— Tu es zolie. Tu vas avoir plein d'autres amoureux, annonce t il fièrement un large sourire sur les lèvres.

— C'est gentil, merci. Et toi, tu as rendez vous avec le Dr. Todd, c'est ça?

—  Oui, c'est mon orthopo .. orthpoti.. orthophoniste, articule t il avec difficulté.

— C'est chouette et tu le vois souvent?

— Toutes les semaines et toi?

— J'espère ne pas le revoir trop rapidement, je marmonne légèrement anxieuse à l'idée d'avoir contracté une MST à cause de David.

 Les minutes s'égrènent sans aucun signe de l'extérieur.

— Z'aime pas être enfermé. Tu as pas peur toi?

— Non, ça va. Moi, j'ai peur de l'eau.

— Z'aime bien les poissons. Tu les aimes pas toi alors?

— Bizarrement si.. j'adore les poissons. Je travaille à l'aquarium d'Atlanta, j'imagine que tu y es déjà allé?

— Ouiiiii, s'extasie t il en frappant ses mains. C'est trop bien, il y a les requins baleines et les raies mantas et les belugas...

— Je travaille avec les pingouins africains, les phoques et les otaries. Si ça te dit, la prochaine fois que tu y vas je pourrai t'amener avec moi pour les nourrir, ça te plairait?

— Pour de vrai vraiment?

— Oui vraiment. Je pourrais même voir avec mes collègues pour qu'ils te fassent visiter les coulisses des bacs. 

— On peut se baigner avec les requins?

— Euh.. non, désolée, je réponds en retenant un sourire. Tiens, c'est mon numéro de téléphone, tu n'auras qu'à m'appeler ou m'envoyer un message quand tu y vas, je lui dis en tendant un petit papier avec mon numéro.

Les heures défilent, personne ne nous vient en aide et je commence à désespérer. Boris continue à chanter et parler de tout et rien. Mon sourire s'élargit quand l'assistance nous appelle mais je déchante vite lorsqu'elle m'annonce qu'aucun dépanneur ne pourra venir avant encore 2 bonnes heures, si on a de la chance.  

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