Ocean of Love

Chapitre 8 - Steven

J'enchaîne mes longueurs tandis que Boris flotte tranquillement sur la ligne d'à côté, son bonnet poisson clown sur la tête. J'ai plus de mal à me remettre de cette journée que lui. De toute évidence, il a adoré ces heures passées en compagnie de Summer. Mon inquiétude a du mal à se détacher de moi et je n'arrête pas de m'imaginer ce qu'il se serait passé s'il avait été seul ou avec quelqu'un de mal intentionné. Boris est très tactile même s'il fuit généralement ceux qu'il ne connaît pas. En situation de peur panique, je sais d'expérience qu'il préfère se raccrocher à un inconnu que de se sentir seul. Il s'est excusé une bonne centaine de fois de ne pas avoir respecter la règle de l'ascenseur, mais comme Summer a si bien su le rassurer, ça ne comptait pas pour cette fois puisqu'il n'était pas seul mais avec elle. Je souris en les revoyant tous les deux entrain de chanter. 

— Tu es fatigué?

Je secoue la tête pour me remettre les idées en place. Je ne me suis même pas rendu compte que je m'étais arrêté pour repenser à tout ça. De toute évidence, ce n'est pas ce soir que je bâterai un record.

— On rentre?

Boris hoche la tête et nage jusqu'à moi. Dans les vestiaires, je découvre les messages de James. Je décline son invitation, je n'ai vraiment pas la tête à sortir et surtout pas sans Boris. Je ne sais pas lequel de nous deux sera le plus collant ce soir! En rentrant, on se pose devant "Le Monde de Némo". Boris adore ce dessin animé comme tout ce qui se rapporte à l'océan en général. Depuis que je l'ai récupéré, il m'a demandé 47 fois si on pouvait aller à l'aquarium demain. Oui, oui, j'ai compté! Malheureusement, je ne pourrai pas y échapper éternellement, alors je lui ai promis d'y aller la semaine prochaine. Je ne sais pas si Summer sait que je suis son grand frère. Boris m'appelle rarement par mon prénom, avec un peu de chance je suis resté "grand frère" dans sa bouche tout l'après midi. Mon secret ne le restera pas bien longtemps, mais je préfère retarder ce moment le plus possible.

Par habitude, je ne présente que très rarement mon petit frère à mon entourage. Non pas que j'ai honte de lui, seulement la déception récurrente du comportement des autres est devenue si pesante que je préfère me voiler la face et les côtoyer sans vraiment me livrer sur le pan le plus important de ma vie. Mes coéquipiers ont tous déjà vu Boris à un moment ou à un autre, parce qu'il adore me voir nager "comme un poisson". Mais je sais que je ne peux pas l'emmener avec moi à l'une de leur soirée, parce qu'ils ne comprendraient pas et ne feraient pas l'effort de le comprendre. Le seul qui le connaît vraiment, c'est James, mon meilleur ami.

Alors, bien que je sache que Blondinette apprécie Boris, ou du moins le tolère, je n'ai pas spécialement envie de l'inclure dans notre vie d'une quelconque façon. Cela ne mènerait à rien. Boris l'apprécie déjà bien trop et elle me déteste pour lui avoir ouvert les yeux sur son mec. Je me contenterai de l'éviter le plus possible et on s'en portera tous pour le mieux. 

Dans les jours qui suivent, James arrive à me convaincre de venir boire un verre chez lui. Harry et Karl seront là aussi. Ces mecs sont sympas quand il s'agit de picoler ou de nager. En dehors, je les apprécie guère mais James s'évertue à garder une cohésion d'équipe en tout temps. J'arrive chez lui avec un pack de bière et des pizzas. Les gars sont déjà là et je me fige en découvrant Laurie et sa meilleure amie.

— Désolé, s'excuse James sans le penser une seule seconde.

Je vois son rictus dès qu'il me tourne le dos et je réfléchis au meilleur moyen de le noyer à notre prochain entraînement. Je salue l'assemblée d'un bref signe de tête, évitant soigneusement les deux blondes qui discutent.  

— Tu as fait quel temps sur ton 200 papillon? me demande Harry.

— 1'55.

— Tu n'arrives pas à faire mieux, ricane t il.

— Monte sur un podium et on discutera ensuite, tu veux?!, je le rembarre.

Vexé, il se renfrogne et se tourne vers les filles. 

— On a une compét' ce weekend, ça vous dit de venir nous voir?

— J'ai déjà réservé notre chambre, roucoule Laurie en couvant James des yeux.

Je ne peux m'empêcher de ricaner face à ce comportement mièvre. James me balance une capsule de bière en pleine tête faisant sourire Blondinette.

— Et toi ma jolie? Tu viens admirer nos corps de Dieux Grecs?, insiste Harry.

— J'ai rendez vous avec des phoques. Une autre fois, élude t elle.

Son regard fuyant, évite le mien de toutes les manières possible. De plus en plus mal à l'aise d'être ainsi le cœur de l'attention générale, elle joue avec ses ongles.

— Tu préfères passer ton weekend avec un truc qui pue le poisson plutôt qu'avec nous?, s'indigne Karl en rigolant.

— C'est pas mon truc la piscine, grimace t elle. 

— Bah qu'est ce que tu fous avec une bande de nageur, se gausse Harry.

— On est peut être pas obligé de tous se passionner pour les mêmes choses, tu sais?, je lui fais remarquer. La diversité c'est bien aussi!

— Attend, tu vas me faire croire que ça te dérangerait pas qu'elle continue à s'incruster à nos soirées alors qu'elle n'aime pas la natation?

— Elle ne s'incruste pas, c'est James qui l'a invité. Ensuite, je me fous de ce qu'elle aime ou non, c'est pas mon problème. 

C'est pas possible d'être aussi stupide! Celui là a dû prendre l'eau quand il était petit, c'est pas possible autrement. Depuis quand tout un groupe d'amis doit partager les mêmes passions, les mêmes goûts, les mêmes envies. Je surprend le regard bleu de Blondinette sur moi. Prise au dépourvu par ma réaction, elle reste figée. Les autres n'interviennent pas. Laurie parce qu'elle ne nous connaît pas encore assez bien, James et Karl parce qu'ils savent pertinemment que ça va finir par dégénérer s'ils tentent de lui faire entendre raison. Harry me jette un regard noir mais ne relance pas. Il en a beaucoup dans la bouche, mais très peu dans le pantalon.