Prologue

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Cette période la plus froide de l'année est devenue encore plus froide avec la triste nouvelle de la mort de la princesse royale. La petite-fille de notre cher roi George III et de la reine Charlotte est morte en couches, avec son bébé. Et pendant que nos cœurs pleurent la perte de la princesse royale, nos têtes pleurent davantage encore pour l'avenir de la monarchie.

6 novembre 1814


Eleanor Georgina Adolpha Elisabeth Albertine d'Angleterre avait toujours senti qu'elle était l'enfant préféré de sa mère. Comme tous les membres de l'aristocratie, la princesse avait reçu de nombreux prénoms mais les siens rendaient hommage aux personnages que la reine Charlotte affectionnait le plus : Georgina pour son époux, le roi George III, Adolpha pour son frère adoré Aldophus, et enfin Elisabeth Albertine pour sa mère. 

Et au fil des années, ce sentiment de préférence s'était renforcé. Sa mère avait participé à son éducation, ce qui était peu commun dans sa famille. Elle l'avait également aidé à épouser l'homme qu'elle aimait et à déménager en Inde avec lui. Puis, pendant la saison 1814, Eleanor avait joué un rôle essentiel dans les projets de sa mère qui consistait à démasquer la mystérieuse lady Whistledown. 

Bien qu'Eleanor ait fait échoué les plans de la reine, tombant amoureuse d'un vicomte, empêchant le mariage de ce dernier et faisant la une de la Chronique mondaine à plusieurs reprises, Charlotte ne le lui avait jamais reproché. Voilà un fait qui avait conclu la théorie d'Eleanor. Car sa mère ne laissait pas ceux qui l'avaient importuné en paix, même au sein de sa propre descendance.

- Détends-toi, tu vas juste voir tes frères et sœurs, la taquina le fameux vicomte, Anthony Bridgerton, qui était depuis devenu son mari. Je ne suis pas aussi figée lorsque je rends visite aux miens.

- Tu n'en as que sept et vous vous entendez très bien, rétorqua-t-elle. 

Ils faisaient route vers le palais royal, où la reine avait convoqué toute la fratrie, les treize encore en vie. Anthony et Eleanor avaient interrompu leur voyage hivernal pour les funérailles de Charlotte de Galles, la nièce de la princesse et héritière du trône jusqu'à sa mort. La jeune femme avait bien vite compris la raison de cette convocation, il fallait à présent parler de la succession. Étant la dernière née, elle avait toujours pensé échapper à tout cela. Mais aucun de ses frères et sœurs n'avaient d'enfants légitimes et ils commençaient à vieillir... alors qu'elle était encore largement en âge de concevoir. 

- Il est encore temps pour nous de faire demi-tour, dit Eleanor. Rentrons et passons la nuit au lit, rien que tous les deux.

Anthony ne put s'empêcher de sourire en passant un bras autour des épaules de sa femme - que c'était étrange d'appeler Eleanor ainsi - afin de capturer ses lèvres.

- Je n'ai envie que de ça, mon amour, murmura-t-il contre sa bouche, ponctuant ses mots de baisers. Mais je n'ai pas envie de m'attirer les foudres de la Reine, je dois déjà éviter de contrarier sa fille au quotidien.

Eleanor se recula brusquement, le menton levé et le regard noir. Quelques mois plus tôt, Anthony trouvait ces gestes terriblement agaçant, surtout quand ils lui étaient destinés. Et comme il ne faisait qu'irriter la princesse, ils lui étaient souvent destinés. Mais aujourd'hui, il aimait voir cette moue sur le visage de son épouse. En réalité, il avait toujours adoré quand elle faisait cela, mais s'il avait refusé de se l'avouer pendant longtemps.

- Tu ne feras pas le fier devant tous mes frères et sœurs, monsieur le vicomte.

- Je les ai déjà vus à notre mariage, répondit Anthony avec un sourire sarcastique, s'avançant vers sa femme pour l'embrasser à nouveau.

Persuasion | BRIDGERTON T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant