Chapitre 4

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Peu de gens ont remarqué la ravissante miss Sophie Devereux, nièce du fameux comte, tant elle était cachée derrière sa cousine Margaret Bridgerton. Mais la jeune femme n'est pas inintéressante pour autant, son accent français la rendant d'autant plus charmante... À croire que les hommes de cette saison ont été aveuglés par le soleil et assourdis par le bruit des vagues.

LA CHRONIQUE MONDAINE DE LADY WHISTLEDOWN, 2 AVRIL 1815


- Ta cousine a fait parlé d'elle !

Margaret leva les yeux de sa broderie lorsqu'Eloise se rua dans sa chambre. Comme d'habitude, celle-ci ne s'était pas fait annoncer. Le majordome travaillait pour Benedict depuis que celui-ci était en âge de posséder son propre foyer, il n'était guère étonnant qu'il laisse la sœur de celui-ci entrer et sortir comme elle le souhaitait.

- Ah oui ? fit Margaret en arborant une expression indifférente assez convaincante (à son avis).

Elle avait lu la dernière chronique de Whistledown et trouvait qu'elle avait fait un portrait plutôt flatteur de sa cousine. Eloise s'assit sur le siège du bureau de son amie.

- Oui, Cressida a parlé d'elle et...

- Cressida ?

Margaret n'aimait pas cela, se demandant ce que la blonde voulait à sa cousine. Retenir l'attention de Cressida Cowper était une mauvaise nouvelle. Pour les hommes, cela signifiait qu'elle avait trouvé son futur époux et qu'elle allait tout faire pour parvenir à ses fins. Pour une femme, la guerre était déclarée.

- Elle a dit qu'elle était charmante.

Margaret fronça les sourcils.

- Je refuse de croire que Cressida Cowper ait complimenté une autre femme qu'elle-même, admit la jeune femme.

- Vous ne la connaissez pas, répondit Eloise, un peu plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.

Elles s'absorbèrent toutes deux dans un silence pensif, ce qui leur arrivait rarement.

- Je veux dire, déclara finalement Eloise. C'est qu'elle n'a pas été tendre ces dernières années, mais elle a bon fond.

Margaret se replongea dans sa broderie pour ne pas dire le fond de sa pensée. Mais une remarque lui échappa malgré tout :

- C'est pour cela que tu as abandonné Pen ?

- Tu ne la connais pas non plus.

Margaret ne comprenait pas où Eloise voulait en venir. Aucune de ses amies ne lui avaient révélé la raison de leur éloignement, mais elle ne pouvait pas croire que Penelope ait pu lui faire du mal. Ce n'était tout simplement pas elle. Mais avant de poursuivre, Eloise sauta du coq à l'âne :

- Où est Benedict ?

- Anthony l'a invité à boire un verre avec Colin.

- J'ai l'impression qu'il peint moins souvent qu'avant, observa Eloise.

Margaret hocha légèrement la tête pour ne pas laisser son amie voir son trouble. Benedict avait quitté l'école d'art après avoir appris qu'il n'y était entré que grâce à un généreux don d'Anthony. Après ça, il avait mis de côté les pinceaux pour s'occuper de sa famille et des finances des Bridgerton pendant la lune de miel du vicomte. Mais son épouse sentait qu'il manquait quelque chose à sa vie.


Dans les moments d'intimité avec son mari, rien ne pouvait troubler Eleanor, pas même les aboiements de Newton derrière la porte, ni la pression constante de sa mère pour avoir un héritier. Tout était parfait avec Anthony, ses baisers étaient aussi passionnés qu'au premier jour, il gardait toujours sa main dans la sienne comme pour rassurer la princesse quant au fait qu'il ne la quitterait jamais.

Anthony était un homme expérimenté, il avait partagé le lit de nombreuses femmes avant et Eleanor le savait. Mais elle devait avoué que cela lui apportait plus de bien que de mal, surtout lorsqu'il laissait courir sa langue dans les endroits les plus sensibles de son épouse. Elle s'apprêtait à laisser échapper son plaisir lorsque la voix de Gregory lui parvint derrière la porte.

Anthony sortit la tête de sous les couvertures pour voir son épouse couvrir sa bouche avec sa main, avant d'éclater de rire. Un instant plus tard et le pauvre Gregory aurait entendu des choses qui l'auraient probablement perturbé à tout jamais.

- Ignore-les, dit Anthony.

- Non.

- Ce qui se passe dehors est incomparable. On fait un héritier.

Le poids revint se loger dans l'estomac d'Eleanor, qui ne voulait pas montrer son trouble à son mari. Elle se leva du lit pour enfiler une robe de chambre, sous le regard encore passionné d'Anthony.

- Tu sais que ce n'est pas ainsi qu'on fait un héritier ? le taquina-t-elle.

- C'est un début, répondit Anthony.

- Nous devons faire plus à présent.

Le vicomte sentit que son épouse était troublée et comprit que la pression de sa mère pesait sur Eleanor. Cela faisait plusieurs mois qu'ils tentaient de concevoir un héritier, sans succès jusqu'ici. Anthony tendit le bras pour attraper la main de son épouse pour la ramener dans le lit auprès d'elle.

- Je t'ai dit de ne pas laisser les émotions négatives te submerger, murmura-t-il en l'embrassant tendrement.

- Et si nous n'y arrivons pas ?

- Ta mère a eu seize enfants et la mienne huit, répondit Anthony. Je ne vois pas comment nous ne pourrions pas en faire au moins un ou deux.

Un léger sourire apparut sur les lèvres d'Eleanor. Il était vrai que les circonstances jouaient plutôt en leur faveur, même Daphne et Margaret étaient devenues mères. Et ses propres frères avaient tous une multitude d'enfants illégitimes. Elle prit une grande inspiration avant de faire face à son mari, qui la dévorait d'un regard si amoureux, loin d'avoir les mêmes pensées que son épouse.

- Nous devrions peut-être réessayer une dernière fois, proposa-t-il en déposant un baiser sur sa clavicule. Pour que tu sois sereine au bal de lady Danbury...

En guise de réponse, Eleanor fit lentement glisser la robe de chambre de ses épaules. Elle devait s'en convaincre. Ensemble, ils pouvaient réussir.

Persuasion | BRIDGERTON T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant