Chapitre 10

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Tout le monde a ses secrets.

Surtout moi.

LA CHRONIQUE MONDAINE DE LADY WHISTLEDOWN, 14 AVRIL 1824


Cressida se rendait à Devereux House, où elle désirait trouver Sophie. Elle aurait aimé la voir, en s'affranchissant de la présence de leurs femmes de chambre. À son arrivée chez les Devereux, pourtant, elle fut accueillie par un majordome à l'air perplexe.

- Miss Cowper ? fit-il en cillant.

Il retint une exclamation de surprise. Il ne l'avait jamais vu s'arrêter dans cette maison auparavant.

- Où est Sophie ?

- Je l'ignore, mademoiselle. Elle est partie avec madame Margaret et Miss Featherington voilà deux heures.

- Je vois...

Cressida fronça les sourcils, indécise.

- Puis-je l'attendre ?

Le majordome hocha la tête, il ne pouvait pas mettre une jeune femme de la société à la porte sans une bonne raison. Il l'accompagna jusqu'au petit salon à l'étage, déclara qu'il allait lui faire préparer une collation et lui tendit la dernière édition du Whistledown pour patienter. Bien entendu, Cressida l'avait déjà lu. Mais, en la posant sur la petite table, son attention fut attirée par un carnet de cuir.

Elle s'approcha pour y jeter un coup d'œil. Deux feuilles en ressortaient légèrement, couvertes de lignes écrites d'une main soigneuse. Cressida se pencha en avant et marmonna un juron. C'était écrit en français, cela appartenait certainement à Sophie ! Elle s'approcha à nouveau, et put commencer à déchiffrer quelques morceaux qu'elle traduisit grâce aux cours de français dont elle avait quelque fois bénéficié :

... ferme tes belles paupières, semblables aux fleurs sombres. Abandonne à mes mains ardentes...

Je t'aime. Je t'aime avec la fureur d'un désir mâle et avec l'alanguissement d'une tendresse féminine...

Tes seins, pareils aux pierres polies, sont durs et frais au toucher... 

... je te révélerai la puissance et la douceur de l'amour féminin... je te révélerai la puissance et la douceur de l'amour des femmes.

Cressida laissa échapper une exclamation de surprise. Il s'agissait visiblement d'un poème romantique adressée à une femme... et écrit par une femme. Était-ce Sophie qui avait rédigé cela ? Ou une personne de sa connaissance ? Et que faisait-il dans ce carnet ? Elle le fixa, prise d'une furieuse envie de l'ouvrir. Elle tendit la main, se ravisa. Ce n'était pas bien. Elle n'avait pas le droit de lire. Du moins, pas au-delà de ce qu'elle avait déjà lu.

- Oh, et puis flûte ! marmonna-t-elle en tendant la main vers la page.

- Que faites-vous ?

Cressida pivota vivement sur ses talons.

- Sophie !

Cressida eut un mouvement de recul. Jamais elle n'avait vu un regard pareil sur son visage. Sophie traversa la pièce à grands pas et s'empara du carnet.

- Que faites-vous ici ? demanda-t-elle.

- Je vous attendais.

- Vous avez pour habitude de lire le courrier des autres ?

Persuasion | BRIDGERTON T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant