Chapitre 7

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Miss Devereux a été vue dansant avec pas moins de dix gentleman lord du bal de lady Danbury. Je comprends dans ce nombre Benedict Bridgerton, l'époux de sa cousine.

LA CHRONIQUE MONDAINE DE LADY WHISTLEDOWN, 12 AVRIL 1815


Eugenie Devereux levait de temps en temps un œil de sa broderie pour observer Sophie. Celle-ci était plongée dans un livre, un charmant sourire sur les lèvres. Il n'avait jamais été difficile pour la vicomtesse de faire parler ses trois filles mais sa nièce était aussi muette qu'une tombe. Depuis son arrivée, elle avait à peine réussi à lui faire révéler quelques informations à son sujet.

- Ma chère, dit-elle en se levant pour s'approcher de Sophie. Parlons d'hier soir. Le bal était-il bien ?

- Je l'ai trouvé... satisfaisant, répondit la jeune femme sans lever le nez de sa lecture.

Eugenie versa du thé dans une tasse pour lui mettre sous le visage, afin de la sortir de son roman. Elle se demanda comment trouver un moyen de lui faire comprendre qu'elle devait créer des liens sans la brusquer. Car, selon ce que Louis lui avait rapporté, Sophie avait passé moins de temps à parler aux hommes qu'à Cressida Cowper. Il était raisonnable de créer des amitiés, mais elle ne devait pas oublier ses autres objectifs.

- Vous êtes ouverte à l'amour, n'est-ce pas ?

Sophie la regarde avant de répondre par un petit haussement d'épaule. Elle savait qu'elle serait une grande déception si elle rentrait en France sans un fiancé, mais elle n'avait pas réfléchi à la fin de ce séjour. Elle venait à peine d'arriver, elle ne se voyait pas dans les bras de n'importe quel homme.

- Madame ? 

La gouvernante apparut dans l'embrasure de la porte, interrompant la conversation.

- Miss Cowper pour miss Sophie. Elle souhaiterait l'inviter à une promenade.


Cressida était, comme toujours, à la pointe de l'élégance et Sophie se sentait presque ridicule dans sa simple robe de promenade à ses côtés. Comme lors du bal, la blonde occupait presque toute la discussion et sa compagne se contentait de hocher la tête quand c'était nécessaire. Elle avait senti que sa tante n'était pas en accord avec cette promenade, mais la politesse l'avait forcée à accepter.

- Nous avons peu de compétition, se réjouit Cressida. À part Francesca Bridgerton. Ma façon de gérer Penelope Featherington était claire.

- Est-ce vrai que vous avez arraché sa robe ?

Cressida se stoppa et un spasme parcourut sa mâchoire.

- Un accident peut vite arriver, répondit-elle sarcastiquement. Surtout lorsqu'on porte un tissu de mauvaise qualité.

- C'est un geste cruel.

Sophie avait sorti cela comme un murmure tant elle avait peur de la réaction de Cressida. Elle s'attendait à ce que la blonde darde sur elle un regard si menaçant qu'elle se serait enterrée dans le parc pour disparaître. Mais au lieu de cela, Cressida parût déçue et déboussolée.

- Nous peinons toute à trouver un mari, poursuivit Sophie avec douceur. Ne serait-ce pas plus facile si nous cessions déjà d'interférer dans les affaires des autres dames ?

- C'est difficile, admit Cressida. La saison affecte les jeunes filles, on devient rivales. J'en ai été la proie une fois ou deux.

- Vous avez raison, dit sa compagne avec un sourire qu'elle voulut apaisant. La société ne veut pas créer de liens entre nous.

- Alors que nous sommes bien plus intéressantes que ce que la société a à nous offrir.

Cressida posa une main sur le bras de Sophie, et celle-ci sentit son cœur arrêter de battre une seconde. Elles s'étaient arrêtées sous une arche de verdure, et elles étaient seules. Un endroit parfait pour deux tourtereaux, ce qu'elles n'étaient pas. Mal à l'aise de cette étrange proximité, Sophie se recula et reprit sa marche. Cressida la suivit, n'ayant pas remarqué son trouble.


Eleanor détendit ses doigts crispés après des interminables heures à écrire. Comme elle regrettait le temps où elle pouvait galoper à cheval, se promener dans des jardins et boire du thé en regardant le paysage indien. Désormais, elle devait remplir son rôle de vicomtesse et même si elle n'échangerait sa place pour rien au monde, cela la fatiguait. Et l'angoissait.

Anthony entra sans frapper, comme il en avait toujours eu l'habitude. Voir Eleanor assise à ce bureau lui rappelait la nuit où elle s'était cachée en dessous pour lui échapper. Et à tout ce qui avait suivi : le coup de pied malencontreux, le premier baiser passionné et son horrible comportement. Il aurait pu la faire fuir à tout jamais, pourtant elle était de nouveau ici. Et mariée à lui.

Un autre souvenir lui vint en mémoire, le soir où ils avaient consommé leur union ici même. Ce n'était pas l'unique fois, bien entendu, mais la première était toujours mémorable. Même si, encore une fois, les évènements avaient pris une tournure dramatique. Il avait cru perdre Eleanor et, même s'il évitait d'y penser, il serait devenu fou sans elle.

- Te voilà, dit-elle en s'étirant d'une façon peu royale.

Il se pencha vers elle et fit parcourir ses mains le long de ses bras, puis le long de son ventre.

- Ces réunions ? demanda Eleanor.

- Incomparables à notre lit, répondit Anthony, avant de laisser son épouse l'entraîner dans un baiser. On y retourne ?

Il déposa un baiser sur sa joue avant de continuer plus bas mais sa femme ne le laissa pas continuer, sinon elle ne pourrait plus l'arrêter.

- J'aimerais discuter avant.

Anthony se stoppa et la regarde, l'air inquiet. Eleanor n'était pas fâchée, généralement il le savait avant même qu'elle n'ouvre la bouche si elle était en colère. 

- De ma mère.

Le vicomte se redressa, en sachant de quel sujet elle souhaitait discuter. C'était le même depuis des mois, depuis que la reine leur avait ordonné de faire un enfant au plus vite. Anthony ne doutait pas que cela arriverait, il faisait tout pour après tout. Mais il n'ignorait pas non plus les rappels constants de la mère d'Eleanor à sa fille. 

- Et si nous quittions un peu cette maison. 

Surpris, Anthony fronça les sourcils. Demandait-elle à retourner en Inde ? Il lui avait promis de l'y emmener à nouveau une fois la saison terminée, mais il pouvait bien laisser ses frères gérer tout cela à sa place.

- Pas pour aller loin, s'empressa d'ajouter Eleanor, comme si elle avait lu dans ses pensées. Kew Palace est inhabité pour le moment. Je pense que cela me détendra si nous passions un moment loin de nos familles respectives, mais assez proche pour garder un œil sur eux.

La main d'Anthony caressa le bras de la jeune femme alors qu'il réfléchit à cette proposition.

- Combien y a-t-il de lit à Kew Palace ? demanda-t-il avec un sourire.

- Énormément, répondit Eleanor en sachant où il voulait en venir. Nous pourrons voir quel est le plus propice à la conception d'un héritier... 

Anthony se pencha vers elle pour l'embrasser avant de la saison par la taille pour l'assoir sur le bureau. À défaut d'un lit, ils pouvaient bien commencer cette nouvelle partie de leur vie ici. Il fit voler quelques feuilles, remonta la jupe de sa femme et l'allongea sur le meuble.

- Anthony, parvient à dire Eleanor. Ta mère a invité les Devereux pour le thé... 

Le vicomte se fichait royalement de cela... si Hyacinthe n'avait pas frappé à la porte pour leur annoncer l'arrivée des invités. Mais ce n'était que partie remise, ils allaient bientôt bénéficier d'un palais entier rien que pour eux.

Persuasion | BRIDGERTON T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant