Chapitre 01:

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/LOS ANGELES 13H46/
Luana :

Le trajet en voiture vers ma nouvelle maison me semble interminable. Chaque kilomètre parcouru m'éloigne un peu plus de mon ancienne vie, celle que je connaissais avant mon enlèvement. Ma mère conduit en silence, jetant de temps en temps des regards inquiets dans ma direction. Je sais qu'elle veut bien faire, qu'elle veut que je me sente en sécurité, mais rien ne semble pouvoir apaiser la tempête intérieure qui fait rage en moi.

Enfin, nous arrivons devant une grande maison aux murs blancs et au jardin soigneusement entretenu. C'est une belle demeure, mais elle me paraît froide et impersonnelle. Rien ici ne ressemble à chez moi. Ma mère sort de la voiture et vient ouvrir ma portière, un sourire hésitant sur les lèvres.

-Bienvenue, Luana.dit-elle doucement. J'espère que tu te plairas ici.

Je hoche la tête, incapable de trouver les mots. Elle me prend la main et m'entraîne vers la porte d'entrée. Carlos nous attend sur le seuil, un sourire chaleureux sur le visage. Il m'accueille avec une gentillesse qui me semble presque déplacée. Derrière lui, se tient Alessio, son fils, avec une expression de défi sur le visage.

-Bonjour, Luana.dit Carlos en m'embrassant timidement sur la joue. Nous sommes ravis que tu sois là.

-Merci.murmurai-je, sentant le regard perçant d'Alessio sur moi. Il ne dit rien, mais son hostilité est palpable.

Ma mère me fait faire le tour de la maison, me montrant les différentes pièces avec un enthousiasme un peu forcé. Je tente de sourire, de paraître intéressée, mais tout me semble étranger, artificiel. Finalement, elle m'emmène à ma chambre. C'est une pièce spacieuse, décorée avec soin, mais elle ne dégage aucune chaleur, aucun souvenir familier.

-Je vais te laisser te reposer un peu.dit ma mère en posant une main sur mon épaule. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à demander.

-Merci, maman. dis-je en m'efforçant de sourire.

Elle ferme doucement la porte derrière elle, me laissant seule dans cette chambre inconnue. Je m'assieds sur le lit, regardant autour de moi. Tout ici me rappelle que je ne suis plus la même, que ma vie a changé de façon irréversible. Les larmes montent instantanément mais je tente de les retenir.

Plusieurs jours passent, ma mère et Carlos font de leur mieux pour me faire sentir chez moi, mais rien ne semble vraiment aider. Chaque matin, je me réveille avec cette sensation de décalage, comme si je vivais dans un rêve dont je ne parviens pas à me réveiller. Les nuits sont encore pires, remplies de cauchemars et de souvenirs de ma captivité.

Un soir, alors que je suis assise dans le salon à essayer de lire un livre, Alessio entre dans la pièce. Il s'arrête un instant, me regardant avec une expression indéchiffrable. Puis il s'avance et s'assoit sur le canapé en face de moi.

-Alors, comment ça va, la nouvelle vie ? demande-t-il d'une voix sarcastique.

Je relève les yeux de mon livre, surprise par son ton.

-C'est... difficile. admets-je, ne sachant pas quoi répondre d'autre.

-Difficile, hein ? Il ricane. Je suppose que ça doit l'être, après cinq ans enfermés.

Sa remarque me blesse plus que je ne veuille l'admettre.

-Oui, c'est difficile. Mais je fais de mon mieux.

Il me regarde pendant un moment, puis se lève brusquement.

-Peut-être que tu devrais essayer un peu plus. dit-il avant de quitter la pièce.

Je reste assise, les mots d'Alessio résonnant dans ma tête. Je sais qu'il est en colère, que ma présence bouleverse sa vie. Mais il ne comprend pas ce que j'ai traversé, il ne sait rien de la douleur et de la peur qui me hantent chaque jour. Et pourtant, ses paroles me touchent plus profondément que je ne l'aurais imaginé.

Les semaines passent, et une routine commence à s'installer. Je retourne à l'école, une expérience qui s'avère à la fois terrifiante et libératrice. Les autres élèves me regardent avec curiosité, certains avec compassion, d'autres avec une certaine distance. Je me fais quelques connaissances, des personnes qui ne posent pas trop de questions et qui acceptent mes silences.

Un après-midi, après les cours, je rentre à la maison et trouve Alessio dans le jardin, en train de taper violemment dans un sac de boxe. Sa colère est palpable, presque tangible. Je m'arrête, hésitant à l'interrompre. Finalement, je m'approche lentement.

-Alessio. dis-je doucement. Est-ce que ça va ?

Il s'arrête, essoufflé, et me regarde avec des yeux furieux.

-C'est à toi qu'il faut demander, tu dois être devenu folle avec tes cinq ans de captivité.

Je ravale la boule dans ma gorge et ignore sa phrase.

-Est-ce que ça va ? redemandais-je.

-Qu'est-ce que ça peut te faire ? réplique-t-il sèchement.

Je prends une profonde inspiration.

-Je vois que tu es en colère. Peut-être qu'on pourrait en parler.

Il me dévisage un moment, puis secoue la tête.

-Evite de faire ta psy avec moi et dégage. dit-il en frappant un coup sec dans son sac de frappe, ce qui me fait exécuter ses dires.

Je me retrouve dans ma chambre silencieuse. Je ne m'attendais pas à un grand dialogue sur l'histoire de la vie. Sûrement pas à une trêve, mais un léger début. Un petit pas vers la compréhension, vers la possibilité de trouver un terrain d'entente. Mais je me suis trompée apparemment. A l'entente de ses coups donné à son sac, je crois l'avoir mis encore plus en colère qu'il ne l'était déjà.

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Liés par le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant