LES PRIVILÉGIÉS DE L'AUBE

00.Prologue.

Dans les tréfonds de la Cité Blanche, l'aube se levait avec une précision froide. Chaque rayon de lumière perçait les vitres impeccablement lustrées des imposants bâtiments, dont la perfection semblait presque artificielle. La ville, fière de sa pureté immaculée, respirait une tranquillité austère. Chaque détail, chaque souffle était contrôlé, mesuré, calibré pour servir un seul but : maintenir l'équilibre fragile de ce monde en déclin.

Daphné, une jeune femme d'une vingtaine d'années, se tenait devant la fenêtre de sa chambre à l'École pour Épouses, observant le paysage qui s'étendait à perte de vue. Son regard errait sur les jardins méticuleusement entretenus, les chemins sinueux où personne ne déviait jamais du tracé imposé, et les imposantes structures de verre qui reflétaient le ciel pâle. Chaque jour, elle contemplait ce même décor figé dans un éternel présent. Pourtant, ce matin-là, une angoisse sourde s'éveilla en elle, un sentiment diffus que quelque chose, quelque part, était sur le point de changer.

Dans les bas-fonds de la Cité Noire, là où les ombres étouffaient la lumière, Kahel se frayait un chemin à travers les ruelles encombrées. Ses pas étaient silencieux, calculés, tandis que son esprit bouillonnait. Il n'était qu'un reclus, un homme sans importance aux yeux de cette société où tout était prédestiné. Pourtant, Kahel savait qu'il détenait la clé d'un secret capable d'ébranler les fondations mêmes de la Cité Blanche.

Le vent qui soufflait sur la ville ce matin-là portait avec lui le parfum du changement, un avant-goût d'une tempête prête à balayer l'illusion de paix. Le destin de Daphné était lié à celui de Kahel, tout comme celui de la Cité Blanche était inextricablement mêlé à celui de la Cité Noire. Et au-delà de ce que chacun croyait savoir, la vérité attendait, tapie dans l'ombre, prête à éclater au grand jour.

On prétendait que le monde guérissait de nos erreurs passées. Mais à quel prix ?