Daphné.— D'accord, imaginons que tu avais le choix. Quel pays aimerais-tu visiter ? me demanda Nora.
Elle adorait me poser ce genre de questions auxquelles je n'avais aucune réponse, simplement parce que je ne connaissais rien du monde extérieur. À l'école, les Tantes nous enseignaient beaucoup de choses, mais rarement sur les autres pays. Elles parlaient surtout de l'apocalypse, de la pollution, et de la dégradation de la Terre.
— Mmh... je ne sais pas, répondis-je en cueillant une autre pâquerette.
Cette fois, j'avais apporté un panier pour les fleurs.
— Allez ! Fais un effort, Daphné ! s'exclama-t-elle avec insistance.
— Je t'ai dit que je ne sais pas ! Et comment pourrais-je savoir ? Je ne connais pratiquement rien du monde extérieur.
Nora fit une pause, semblant réfléchir à mes paroles avant de répondre :
— Oui, c'est vrai.
Elle avait l'air désolée pour moi, comme si elle n'était pas elle-même concernée par notre situation. Pourtant, elle était dans la même école, tout aussi ignorante du monde extérieur que moi. Les paroles de Tante Isabelle me revinrent à l'esprit : Nora avait-elle des contacts avec l'extérieur ?
— Tout comme toi d'ailleurs, ajoutai-je, légèrement méfiante.
Elle tourna la tête vers moi et répondit simplement :
— Oui.
Nous continuâmes de marcher sous le soleil, qui brûlait nos visages. Heureusement, j'avais prévu des parapluies pour nous protéger de la chaleur. Ces derniers temps, beaucoup de pensées m'assaillaient. Cela faisait plusieurs semaines que je promenais avec Nora pour la cueillette des pâquerettes, et chaque fois que je me rendais dans le bureau de Tante Isabelle, je n'avais rien de particulier à lui rapporter. Nora ne semblait pas être une traîtresse. Elle était simplement vive d'esprit et curieuse. Ce trait de caractère, qui m'agaçait au début, avait fini par me sembler presque amusant.
Soudain, je ressentis un léger vertige, la fatigue s'abattant à nouveau sur moi. Nora, qui m'observait, s'inquiéta :
— Tout va bien ? Tu as l'air faible.
— Oui, c'est juste que je suis épuisée depuis des jours. Je ne comprends pas, même en dormant correctement, mon corps reste lourd et fatigué.
Nora resta silencieuse un moment, réfléchissant.
— Tu n'aurais pas des problèmes de fer, par hasard ?
Je n'avais pas envisagé cette possibilité. Pour moi, les Tantes nous nourrissaient de manière appropriée.
— Je ne sais pas, répondis-je.
En réalité, mes pensées étaient surtout occupées par la fin du semestre de printemps. Bientôt, les Tantes allaient nous annoncer avec quel homme nous serions mariées. L'idée me stressait énormément. À l'école, les filles ne parlaient plus que de cela : des hommes, des maisons, des mariages à venir. Partout, dans chaque coin de l'établissement, il était impossible d'échapper à ces conversations. À la fin du mois de juin, nos vies allaient changer de manière irrévocable.
Je ne savais pas vraiment si je ressentais de la peur, de l'enthousiasme, ou un mélange des deux. Je me demandais si Nora ressentait la même chose, elle qui avait toujours affirmé ne pas vouloir se marier. Finalement, j'osai lui poser la question :
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LES PRIVILÉGIÉS DE L'AUBE
Science-FictionDaphné fait partie de ceux que l'on appelle les "Privilégiés". Née dans un monde où les anciennes manières de vivre ont été imposées par les autorités pour des raisons écologiques, elle appartient à une communauté élitiste qui, grâce à sa richesse...