05.Tic.tac

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Wife school.
New York.

Daphné

Je déambulais dans les couloirs comme une âme en peine, cherchant désespérément une issue à ce labyrinthe de fatalité qui s'acharnait sur Nora. Chaque pas résonnait comme l'écho d'un destin inéluctable, mais au fond de mon esprit, une lueur vacillante persistait. Je devais sauver Nora, coûte que coûte.

Trouve une solution, Daphné, trouve-la ! me répétais-je, tel un mantra contre la panique qui me rongeait.

Tandis que je traversais le long corridor, une idée surgit brusquement, aussi risquée qu'elle était audacieuse. La cuisine. La clé de notre salut résidait là-bas, dans ce lieu bouillonnant où s'agitaient cuisinières et marmites.

Un sourire nerveux étira mes lèvres, signe que la flamme de l'espoir n'était pas encore éteinte. Il me fallait déclencher l'alarme incendie des cuisines, forcer Tante Isabelle à quitter son bureau, et ainsi me permettre d'y pénétrer pour dérober la clé qui scellerait la liberté de Nora.

Le plan était aussi fragile qu'une chandelle vacillant dans le vent, mais c'était tout ce que j'avais. Pour réussir, je devais me fondre dans le décor, me glisser dans la peau d'une cuisinière, le temps d'une évasion. Je longeai le couloir jusqu'à la cuisine, où l'agitation régnait en maîtresse. Les cuisinières ne prêtaient pas attention à moi, occupées à leurs tâches, et je repérai une tenue abandonnée, pendue là comme une invitation.

Enfiler cette robe maculée n'était pas un choix, mais une nécessité. C'était mon passeport pour l'invisibilité, ma cape de camouflée dans cette marée humaine. Je la pris, puis quittai la cuisine, mon cœur tambourinant comme un cheval lancé au galop. Les murs semblaient se resserrer autour de moi, les regards invisibles pesaient sur mes épaules.

Pourtant, je me répétai sans cesse : "Tu peux y arriver, Daphné, tu n'as pas le droit d'échouer."

Dans la chambre, j'abandonnai ma tenue blanche pour la tunique rouge, symbole de ma fausse identité. Le rouge, couleur de l'audace, du danger, de la vie même. En la voyant sur moi, je ne pus réprimer une grimace. Cette tenue était l'opposé de tout ce que j'étais, mais elle était aussi la clé de ma réussite.

Le silence pesant des couloirs, brisé seulement par les murmures des dormeurs, renforçait ma tension. Et puis, soudain, des voix se rapprochèrent, m'obligeant à me réfugier dans un dortoir adjacent, où l'obscurité se faisait complice. Je restai là, les oreilles tendues, attendant que le danger s'éloigne.

Une fois le chemin dégagé, je m'avançai vers les cuisines, chaque marche d'escalier marquant un pas de plus vers l'inconnu. Les cuisinières nettoyaient encore, trop absorbées pour me remarquer. Le bouton de l'alarme incendie était à portée de main. Mes doigts tremblaient légèrement, hésitant entre la peur et l'urgence. Mais il n'y avait pas de temps à perdre.

J'appuyai sur le bouton et m'élançai hors de la cuisine. L'alarme résonna à travers tout le bâtiment, un cri métallique qui fit voler les portes et déverser les filles hors de leurs chambres. Tante Isabelle, fidèle à mes attentes, quitta précipitamment son bureau.

C'était le moment. Je me faufilai parmi la foule paniquée, m'efforçant de rester invisible, une domestique parmi tant d'autres. Ma main heurta soudainement Grace, mais elle ne me reconnut pas, sa colère n'était qu'une bénédiction déguisée.

Je pénétrai enfin dans le bureau déserté de Tante Isabelle. L'urgence se mêlait au doute : étais-je vraiment celle qui, quelques semaines auparavant, n'aurait jamais osé un tel acte ? Le temps me manquait pour réfléchir. Je fouillai les tiroirs, mon cœur battant à tout rompre. Le désordre du bureau n'aidait en rien, et chaque seconde qui passait semblait résonner avec le tic-tac de l'horloge, me rapprochant un peu plus de la catastrophe.

LES PRIVILÉGIÉS DE L'AUBEWhere stories live. Discover now