LES PRIVILÉGIÉS DE L'AUBE

13.Cauchemar éveillé.

Daphné

Je laissais l'eau chaude glisser en cascade sur mon dos, comme pour emporter avec elle le poids de ces derniers jours. Chaque souffle que j'expirais me permettait de libérer un peu plus de la tension accumulée. Le moment était venu de se débarrasser de tout cela, ne serait-ce que pour quelques instants. Je pris le gant de toilette, et le frottais lentement contre ma peau, nettoyant non seulement mon corps, mais essayant aussi de purifier mon esprit des pensées qui l'encombraient.

Une fois propre, je sortis de la douche et enfilai la tenue que l'on m'avait donnée. Mon rôle d'épouse. Kahel m'attendait en bas, prêt à me briefer sur le plan du jour. Une journée qui promettait d'être aussi absurde que dangereuse.

Nous allions prétendre être un couple que Kahel avait kidnappé. Fantastique.

Mon cœur se serra. Je n'avais aucune envie de participer à cette mascarade, mais je savais que je n'avais pas le choix. Mon destin semblait déjà scellé, et je devais jouer le jeu.

Je sortis de la salle de bains, jetant un dernier regard sur les lieux, comme pour m'ancrer à quelque chose de tangible.

— Tu es prête ?

Sa voix résonna soudainement derrière moi, me faisant sursauter.

— Oui, répondis-je en retenant un soupir.

Il m'adressa un sourire, puis d'un geste doux, il repoussa une mèche de cheveux échappée de mon chignon. Mes cheveux étaient indomptables, récalcitrants, refusant de rester sagement en place, tout comme mes pensées.

— Je les préfère lâchés, murmura-t-il en caressant du regard mes mèches rebelles.

Son murmure me troubla. Je ressentais à nouveau ce mélange déroutant d'attirance et de crainte. Son regard semblait percer une part de moi que je n'étais pas prête à dévoiler. Puis, brusquement, il s'éloigna, comme s'il venait de réaliser l'incongruité de cette proximité.

— Aujourd'hui, nous assistons à une réception. C'est un événement annuel qui célèbre la fondation de la Cité Blanche. Il y aura toute la haute société, ainsi que des employés de la Maison Blanche, même ceux qui s'occupent de l'entretien.

— Ça ne m'enchante pas du tout, avouai-je, une inquiétude grandissante dans la voix.

— Igor Tame sera présent. J'ai confirmé sa présence grâce à Léo, qui a piraté le système de planification.

— Qui est Igor Tame ? demandai-je, perplexe.

— C'est un employé de ménage à la Maison Blanche. Il possède une carte d'accès très précieuse.

Kahel me fixa avec une gravité inhabituelle.

— Ce que je veux, c'est que tu l'attires chez nous. Une fois qu'il sera là, nous pourrons lui subtiliser sa carte en toute discrétion.

Mon cœur se mit à battre plus fort.

— Attirer chez nous ? Qu'est-ce que tu entends par là ?

Il esquissa un sourire légèrement cynique.

— Trouve un moyen. J'ai entendu dire qu'il avait une maîtresse. Peut-être voudra-t-il en avoir une deuxième... si tu le lui fais croire.

Je restai silencieuse un moment, essayant de digérer l'ampleur de ce que Kahel me demandait. Attirer Igor Tame, le séduire, lui faire croire à quelque chose qui n'existerait jamais. Mon esprit luttait contre l'idée, mais au fond de moi, je savais que je n'avais pas le choix. Ce n'était pas seulement pour survivre, c'était pour atteindre un objectif bien plus grand. Mais à quel prix ?