Chapitre 14: Surprise, surprise...

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Je pensais véritablement avoir l'entièreté des vacances de noël pour penser à ce que j'allais bien pouvoir dire à Benny. C'était sans compter sur mon beau-père qui s'est empressé d'accepter la proposition d'aller skier avec ses deux meilleurs amis aka les parents du démon dans leur chalet des Laurentides. Et évidemment, ma mère s'est enthousiasmée comme une gamine tandis que Yoshi, ayant reçu un tout nouveau casque de ski pour noël, a vu en cette excursion une incroyable aventure. J'ai bien essayé de me faire passer pâle pour rester ici, mais ma mère a balayé mes objections de cette simple remarque :

- Allons, chérie! Il serait temps qu'avec Benjamin vous arrêtiez de vous tournez autour! Vous formeriez un si joli couple!

Le véritable nom de Benny et Benjamin, je vous l'avais dit? Arrête d'essayer de changer de sujet, Blue. Ton potentiel intérêt amoureux pour Benny est bien plus intéressant. Je ne suis pas aussi idiote que j'en ai l'air. S'il existe quelqu'un de moins subtil que moi dans l'univers, c'est bien ma mère. Son envie de me voir en couple avec Benny date de notre rencontre quand nous avions neuf ans. Et comme le sujet du démon vous passionne, j'imagine que vous mourrez d'envie d'en savoir plus sur notre fameuse rencontre. Tu nous connais si bien, Blue! Vraiment, je vous hais.

C'était le premier jour de cours de notre quatrième année. Nous étions tous les deux en retard et nous nous sommes tous les deux retrouvés dans le même escalier. Ça aurait été un non-événement si ce petit con n'avait pas fait exprès de me dépasser dans l'escalier en me jetant son petit regard arrogant que surnomme son regard de « Regarde à quel point je suis meilleur que toi! ». Alors j'ai surenchéri en montant les escaliers par deux. Il a surenchéri en montant les escaliers par trois parce que déjà à l'époque j'étais ridiculement petite et il était déjà ridiculement grand. Vers la fin, on avait complètement raté notre étage et on sautait dans tous les sens en faisant un bruit pas possible qui avait fini par rameuter les surveillants qui nous avait tous les deux punis et collés en retenue. Nous avions passé toute notre retenue à nous fusiller du regard et à la fin de la journée, l'école avait appelé nos parents. Mon beau-père était venu me chercher et, ô malheur de la vie, il avait reconnu le père de l'autre petite merde comme son meilleur ami de son époque à l'université. Et, ô deuxième malheur, sa famille qui songeait à s'installer dans le coin accepta la proposition d'Antoine qui est agent immobilier d'emménager en face de chez nous. Voilà, maintenant vous connaissez toute l'histoire.

C'est complètement ridicule! N'est-ce pas? Si seulement Benny ne m'avait pas provoqué! Non, Blue. C'est votre mésentente qui est complètement ridicule. Quoi ?! Sérieusement, tu es vraiment en train de nous dire que votre querelle qui dure depuis vos neufs ans ne tient qu'à une ridicule course insignifiante dans un escalier ?! C'est sûr que dit sur ce petit ton moralisateur et condescendant tout est ridicule! Non. Peu importe de la manière dont on le dit, ça reste ridicule. Mais allez-vous faire cuire un œuf! Je ne vous ai pas demandé de me juger! T'inquiète, on le fait gratuitement. Mais quelle générosité!

Pour revenir au moment présent, la remarque de ma mère n'est donc nullement surprenante, mais, peut-être parce que j'ai vu Benny embrassé quelqu'un à qui il tient vraiment, pour la première fois de ma vie, j'ai vraiment essayé de nous imaginer ensemble lui et moi. Ça été un moment étrange. Je connais Benny depuis longtemps et je n'ai jamais pensé à avoir ce genre de relation avec lui. Ça a ressemblé à quand j'essaye d'imaginer Yoshi devenir un enfant sociable. En gros, c'est une possibilité tellement improbable que je n'ai jamais vu l'intérêt de m'y attarder. Et je sais bien que vous vous attendez à une révélation du genre : « Oh mon dieu, je l'aime depuis toujours! » ou « Oh mon dieu, en fait je ne l'aime pas et c'était juste le fait de le voir embrasser une de mes meilleures amies qui me perturbent! ». Mais, en vrai, j'en sais rien. Ça me rappelle quand j'ai goûté un biscuit à la mélasse. J'ai trouvé le goût tellement étrange que j'ignorais si j'aimais ou non. Pour savoir, il faudrait peut-être que tu y regoûte? Non? Vous savez qu'avec cette remarque pas du tout subliminale vous montez officiellement avec ma mère et moi sur le podium du summum du manque de subtilité? Ça ne veut pas dire qu'on a tort. Ça ne veut pas non plus dire que vous avez raison!

- Blue, qu'est-ce que tu fais planter au beau milieu du salon! S'écria ma mère. Ta valise n'est pas encore prête ?! Mais on est sur le point de partir, dépêche-toi!

Il me semble vous avoir déjà parlé de mes problèmes d'attention, je crois. Nous partons avec très exactement 45 minutes de retard par rapport à l'heure prévu à la base et nous arrivons, après deux longues heures de route à écouter l'affreuse playlist de country d'Antoine, au chalet de la famille de Benny. Je suis presque ravie d'être arrivée. Presque. Sur l'échelle des chose démoniaques de l'existence la musique country est très proche de Benny. C'est-à-dire, sans conteste dans le top 5.

J'ai pensé à me cacher dans le coffre pour ne pas avoir à croiser le démon, mais après réflexion, je me suis rendu compte qu'il penserait alors que j'avais peur de lui et c'est une perspective encore pire que celle dans laquelle il me penserait jalouse. Je prends donc mon courage à la tractopelle (Oui, il pèse très lourd en ce moment.) et rejoins mes parents et Yoshi devant la porte. Sans blague, je suis à deux doigts d'hyperventiler.

- Emma, Antoine! On est tellement heureux de vous voir, vous et les enfants! S'exclame Mélanie, la mère beaucoup trop adorable de Benny.

Mes parents et ceux du démon se sautent dans les bras, tellement heureux de se retrouver et il s'élève un joyeux blabla de « J'espère que vous avez eu un joyeux noël! » et de « Oh non, vous n'auriez pas dû emmener autant de cadeaux! » soupoudré de « La météo prévoit des conditions de neige fantastiques! » Le tout pendant que Yoshi s'empresse d'engouffrer toutes les chips dans le bol sur le comptoir de la cuisine pendant que les adultes regardent ailleurs. Tout cela peut être traduit par : Dieu est contre moi. J'ignorais cependant que ce n'était pas seulement Dieu qui était contre moi aujourd'hui.

- Miss Paillette! S'exclame Sébastien en s'élançant du haut des escaliers pour m'étrangler dans ses bras, décidément beaucoup trop grand.

J'allais protester et l'insulter quand il se penche pour me souffler à l'oreille :

- J'ai une surprise pour toi...

J'adore les surprises. Genre vraiment beaucoup. Genre au point où, quand à l'écoute de ces mots la majorité des gens se montreraient méfiants, pour ma part une pluie d'étoiles, de paillettes et de couleurs, inonde mon cerveau.

- Où ça? C'est gros? Ça se mange?

Il rigole et m'entraîne vers le sous-sol. Rendu en bas des escaliers et devant la porte du sous-sol il se tourne vers moi.

- En premier lieu, je tiens à te dire que je suis désolé.

- Quoi ?!

- En second lieu, sache que ce n'était que pure politesse et que je ne suis pas du tout désolé.

- Seb...

- Finalement, sache que cette porte restera verrouillée tout le temps qu'il faudra.

Et sur ces démoniaques paroles, il ouvre la porte, me pousse à l'intérieur et la verrouille dans un même mouvement. Je me retourne sur moi-même lentement, à la manière des personnages dans les films d'horreur qui savent déjà que le monstre est derrière eux. Benny se tient derrière moi, les bras croisés avec son regard de tueur. C'est la chose la plus terrifiante que j'ai jamais vu de ma vie. Enfin, jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche et articule lentement :

- Surprise, surprise...

Et puis le noir. 

Blue (licorne) EllisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant