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Je me penche à la rambarde sur le palier, qui donne sur les escaliers en contrebas.

J'ai entendu des chuchotements, le genre de voix pressées qui ne veulent pas se faire entendre. Alors j'ai trouvé le courage de passer la tête hors de ma couette, et de marcher jusqu'ici. Maintenant, j'écoute ce qui se dit, alors que mes parents me croient paisiblement en train de retrouver le monde des rêves.

Quand bien même je sais que je ne le retrouverai plus jamais.

"Tu me disais que ces vacances lui feraient du bien, que ça le changerait d'air. Mais pour l'instant, rien n'y fait."

Impassible, je m'appuie à la balustrade de l'escalier afin de ne pas sombrer. Mes jambes ont du mal à me tenir debout. Je me déteste d'être aussi faible. Mais d'un autre côté, si mon corps se meurt aussi facilement, alors peut-être qu'au fond, cette faiblesse est une part de moi que je voudrais exploiter.

Me laisser voguer.

Me laisser mourir.

Dépérir.

Noyé.

Enseveli.

Ma tête tourne. Une goutte de sueur dévale la pente de ma tempe.

Non. Merde. Pas encore.

Pas encore...

Les voix sont plus lointaines.

"Il lui faudra du temps, chéri. Attendons de voir comment ça se passe. Contentons nous de prendre soin de lui et de lui cuisiner les plats qu'il aime." renchérit ma mère.

J'ai mal partout, et en même temps, je ne ressens plus aucune douleur. C'est un mélange désagréable, tout comme la chaleur et la glace qui me transpercent simultanément.

Pas encore...

"Il est si faible, Yuri. J'ai si peur pour lui, si peur..."

Mes jambes craquent. Elles s'effondrent au sol. Le bruit résonne dans la maison de bois. Ma tête cogne contre la barre de l'escalier. Je ne sens bientôt plus mon corps. J'ouvre les yeux, mais je ne vois rien, plus rien du tout. Je me sens si faible que mon corps en état de survie semble vouloir tout expulser. Un hoquet me prend, et j'entends des pas monter les escaliers, précipités.

"Jungkook !"

Mon père. Mais j'ai du mal à l'entendre. Je me sens dériver. Si loin, si loin...

"Oh mon dieu, Jungkook ! Yuri, dépêche toi !"

Mon ventre me fait mal. Allongé au sol, mes bras se recroquevillent autour de mes genoux, avant qu'un haut le cœur ne me prenne et que je ne vomisse de la bile. Une main passe le long de mon dos, rassurante. Je me concentre dessus, sur le point de m'évanouir. Mais je résisterai. Je le sais.

Je résiste toujours.

Je m'en sors toujours.

Et je hais mon corps pour ça.

Je le déteste d'être aussi résistant.

Ma mère arrive à son tour. Je suis tout juste assez conscient pour l'entendre me murmurer des mots, d'une voix qui sonne comme une accroche à mon oreille. Je m'y attache afin de ne pas me laisser envahir par cette faiblesse écrasante qui écrase tous mes membres, les colle au sol, les plaque vers le bas, toujours plus vers le bas.

"Jungkook, on va te redresser, d'accord ?"

J'acquiesce, la boule au ventre. Je ne vois toujours rien devant moi. La sueur dévale ma peau. J'ai la sensation de brûler et de me congeler en même temps.

On me tend un verre d'eau, que j'avale d'une traite. Ma main est trop tremblante, alors mon père m'aide à l'amener à mes lèvres. Puis j'avale un biscuit. Je ne fais pas l'effort de mâcher tant que ça. Il ne faut pas, sinon, je réfléchirais trop, et alors ça bloquerait. Le goût du chocolat se fraie un chemin pour atteindre mes papilles. Un deuxième biscuit arrive à ma portée. J'en croque la moitié, avant de sentir ma vision revenir petit à petit, et ma peau retrouver une température décente.

Ce genre de crise, c'est toujours passager, de toute façon.

Je les appelle les crises blanches.

Parce que c'est toujours la seule couleur que je suis capable de percevoir lorsque ça arrive. Comme si mes yeux me privaient pour un moment de nuances. Comme s'ils me sanctionnaient pour avoir voulu contempler trop de vie.

Il y a une explication scientifique à cela, j'en suis sûr. Mais je ne veux pas l'entendre, je préfère la mienne.

"Un médecin arrive, d'accord ? Ne bouge pas, ça va aller."

À la mention du médecin, je me raidis.

"Non !" je hurle.

J'ai repris suffisamment de force pour élever la voix.

"Je sais que tu détestes ça, mais c'était soit ça, soit les urgences, Jungkook. Tu comprends qu'on ne peut pas te laisser dans cet état là."

Je me calme. Je suis soulagé qu'ils n'aient pas appelé les urgences. Ils savent comme je ne le supporte pas, et savent aussi que ça ne sert à rien, puisque mes crises se calment toujours après avoir mangé un peu de sucre.

Mon père n'a de cesse de caresser mon dos. Je suis en position assise et je respire fortement, une main sur ma tête afin de masser la bosse douloureuse qui s'y est formée lorsque je suis tombé.

Puis au bout d'un moment, je crois que je cède, et que je m'allonge sur les genoux de ma mère pour m'assoupir.

༄༄༄

Jungkook :(( Ça me fait tellement de peine d'écrire ce personnage ohlala, et en même temps ça me fait du bien.

Comme d'habitude, c'est normal si les chapitres sont super courts pour l'instant !

Qu'en pensez vous ?

À demain ! <3

-Elise-

NOYADE [Taekook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant