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Sur la pointe des pieds, je tâte les marches avec précaution, repère celles qui seraient susceptibles de craquer et de me trahir.

Mon ventre gronde. Je le supplie de se taire, seulement quelques minutes, le temps que je m'éclipse en douce.

Ce que je m'apprête à faire est risqué, peut-être irresponsable. Mais il faut que j'en ai le cœur net. Je ne peux pas continuer de venir seulement en fin d'après-midi, sans savoir s'il ne m'attend pas la nuit venue.

Parce qu'il apparaissait seulement aux abords de la nuit, je le sais très bien. Un peu comme le ferait la lune.

Une fois arrivé un bas, je me fais le plus discret possible afin de ne réveiller personne. La lumière est éteinte, je dois plisser les yeux pour y voir quelque chose. Mes parents ont dû aller se coucher, puisque je n'entends plus un bruit. Je saisis mes chaussures, et me déplace avec la plus grande attention pour ne pas me faire repérer. Mon cœur bat à mille à l'heure. Je ne crois jamais avoir désobéi de ma vie. J'ai toujours bien trop respecté mes parents et leur amour envers moi pour le faire.

Putain, qu'est-ce qui me prend de faire ça ?

S'ils ne se rendent compte de rien, tout devrait bien se passer.

Je ne déverrouille pas la porte. Ça ferait bien trop de bruit. Alors je me dirige vers la fenêtre de la cuisine. Il y a moins de chance qu'ils entendent le minuscule déclic lorsque j'ouvre la fenêtre. J'escalade le comptoir, sentant mes muscles trembler, comme toujours. Mais l'avantage de l'hôpital, c'est que j'y ai retrouvé pas mal de mes forces.

Je n'arrive pas, n'arrive plus, à savoir si c'est une sensation que j'apprécie.

Tant est bien que j'arrive de l'autre côté, sain et sauf. Je referme au maximum la fenêtre. Ne pouvant pas la verrouiller de mon côté, je place un caillou pour caler la vitre fermée et empêcher le vent de n'en faire qu'à sa tête et de la rouvrir pendant mon absence.

Putain, je l'ai fait.

Je suis là, dehors, mes pieds nus foulant l'herbe. J'ai mes chaussures à la main, mais je ne ressens même pas l'envie de les enfiler. J'apprécie la sensation de la végétation, puis du goudron sous mes pieds lorsque je m'engage sur la route. À une intersection, je dérive sur un chemin plus étroit, et cette fois ci, c'est les graviers et le sable de plus en plus abondant qui caressent la plante de mes pieds. Je lève les yeux vers le ciel, observe les étoiles qui semblent me tomber sur la tête.

Je voudrais les accueillir, les bras ouverts. Je souris, dans le noir. La liberté coule dans mes veines. J'ai la soudaine envie de courir, de me jeter dans les bras de la mer et de me laisser porter vers l'horizon. De débattre avec la voûte céleste pendant des heures, de contempler les vagues jusqu'à saturation. Le vent sur ma peau sensible réveille chacun de mes sens. Ma hardiesse me surprend.

Je suis euphorique.

Face à la falaise, je m'engage entre les branches du buisson qui cache les escaliers. Je descends, tout en reportant mon regard sur la mer.

Puis je me fige.

Alors je ne me trompais pas.

Alors il n'était pas une illusion.

Alors il existe vraiment.

C'est ce à quoi je pense lorsque la lumière éblouissante d'une lampe de poche éclaire dans ma direction. Je suis toujours en train de descendre les marches contre la falaise. L'éclat m'éblouit, et je ferme les yeux pour y échapper. Quand la clarté s'échappe, je peux de nouveau regarder devant moi. Un sourire s'invite au coin de mes lèvres, alors que je le vois, au loin, écarquiller les yeux.

NOYADE [Taekook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant