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Quatorze heures trente cinq.

Je me suis levé, et j'ai toujours mal à l'estomac. Comme s'il poussait pour s'étirer. Je voudrais me recroqueviller à nouveau, ou bien pincer la paume de ma main pour ressentir n'importe quelle douleur, sauf celle-là.

Mais malgré mon envie de me fondre sous mes draps, je n'ai pas oublié les mots de Taehyung.

Je dois être à quinze heures à la falaise, pour qu'il me mène jusqu'à chez lui.

J'évite habituellement les miroirs. Ils m'effraient. Je n'arrive jamais à savoir si l'image qu'ils me renvoient est truquée ou non. Parfois, j'ai la sensation qu'elle est difforme. Et parfois, elle me paraît être l'exacte réalité de ce que je suis, et c'est encore plus terrifiant, parce que je réalise à quel point ma chair et mes cernes sont creusés.

Je me tiens devant la grande glace au derrière d'une porte de mon placard. Mon jean est assez ample pour cacher ma taille trop affinée, alors que mon t-shirt, s'étalant jusqu'à mes cuisses, ne laisse entrevoir que mes bras élancés. J'ai coiffé mes cheveux, les ai arrangés pour qu'ils ne soient plus qu'une touffe conforme. J'ai ajouté quelques bijoux. Une bague, et un collier couleur or, qui représente un croissant de lune. Je n'ai pas osé mettre des boucles d'oreille. Ça m'a terrifié, à quel point mon visage m'a semblé encore plus aminci entouré de deux bijoux éclatants.

Je me surprends à voler l'anticerne de ma mère, dans la salle de bain du bas, et à m'en appliquer en dessous des yeux. J'estompe et m'observe attentivement dans le miroir.

C'est perturbant... J'ai l'air d'un mort qui revient à la vie.

Je décide de garder tous ces artifices, avant de descendre les escaliers. Je m'éclipse rapidement. Mes parents n'ont qu'à peine le temps de me rappeler de rentrer avant la tombée de la nuit.

Il est déjà là lorsque j'arrive. Son corps est tout prêt du bord de la falaise. Son regard se porte en contrebas, là où le ressac infini apaise les âmes.

Soudain, la vision de lui, prêt à sauter, me revient à l'esprit. Il ne va pas le faire, je le sais. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me précipiter vers lui et de saisir sa main pour l'éloigner.

"Ne te tiens pas trop prêt." je lui ordonne.

"Bonjour aussi." répond-il, un sourire aux lèvres.

Je me déride rapidement. Lui, semble surpris. Ses orbes passent en revue mon visage, les mèches de mes cheveux, mes vêtements, mes bras, puis le point précis où pend mon collier. Je lâche sa main lorsque le contact commence à me brûler et que le silence devient trop suggestif.

"Tu viens ?" me fait-il, en s'éloignant déjà.

Je le suis, un peu en arrière, en contemplant discrètement sa démarche, sa façon de balancer ses bras, puis son visage duquel je ne peux qu'apercevoir une oreille, une joue et le bord d'un œil aussi vert que l'émeraude. Je suis bien obligé de me remettre à sa hauteur lorsqu'il prend la parole.

"Il y aura Maman, chez moi, mais ne fais pas gaffe."

"Ah... Ok." je fais, peu à l'aise à l'idée de croiser sa mère.

"Ça t'angoisse ?" me demande-t-il, avec le plus grand des sérieux, prêt à prendre en compte tout ce que je lui dirais.

Mais je ne veux pas changer ses plans. Et je veux vraiment voir là où il vit, sa chambre, l'environnement dans lequel il a grandi. Alors je secoue la tête.

"Non, pas du tout, c'est pas grave."

Le châtain nous entraîne vers la petite ville près de la mer, que nous avons traversé pour nous rendre à l'université abandonnée il y a une semaine à peine.

NOYADE [Taekook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant