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Les vagues s'écrasent à mes pieds. Cette fois-ci, une légère appréhension naît au creux de mon estomac. Il peut apparaître à tout moment, et cette idée fait grandir en moi une légère braise qui me réchauffe. C'est perturbant, ce sentiment.

Cela fait si longtemps que je m'obstine à me laisser mourir, de faim, de fatigue, que la sensation de cette chaleur détonne rudement avec le reste.

Je me demande ce que Arin en aurait pensé. Elle aimait toujours s'extasier lorsque je rencontrais de nouvelles personnes. Elle m'aurait sans doute charrié. Elle aurait ri et inventé des scénarios tous plus farfelus les uns que les autres avec ce garçon dont j'ai fait la connaissance il y a quelques jours.

J'aimerais tant l'entendre, ce rire.

Ça me lacère le cœur de me dire que je n'en ferai plus jamais l'expérience.

Il n'y en avait pas d'autres, des comme elle. Il n'y en aurait jamais d'autre. J'ai arrêté de me faire des amis, car personne ne pouvait rivaliser.

Alors comment expliquer que ce garçon, apparu si brutalement au haut de cette falaise, ait réussi à me faire apprécier sa présence en un temps record ?

Je ne te trahis pas, Arin. Je pense toujours à toi. Tous les jours, toutes les heures, toutes les secondes. Je ne passe pas un instant de ma vie sans me remémorer ton image, peu importe à quel point je me déchiquette à chaque fois que le film de notre vie passée côte à côte s'écoule sous mes yeux impuissants. J'ai peur de t'oublier, tu sais. C'est absurde. Et j'espère encore retrouver ton amitié à chaque jour qui se lève.

Toujours.

Mais le noir m'engloutit à l'infini, et je n'en vois pas le bout.

J'aurais tant aimé être dans cette voiture, avec toi.

J'aurais aimé tant de choses, tu sais.

Tant de choses alors qu'aujourd'hui, je ne désire plus rien.

"Tu pleures."

Je sursaute.

Je me précipite pour essuyer mes larmes du dos de la main. Elles ont la même senteur que la mer, pourtant, leur effluve ne m'apaise pas comme cette dernière le fait.

"Oh... pardon. Je ne t'ai pas entendu arriver." je murmure, si bas qu'il doit tendre l'oreille pour m'entendre.

Il se mord les lèvres, fixant mes joues humides, comme embêté. Et moi, je détaille son accoutrement du jour. Toujours l'un de ses jeans qui retombe si bas, ainsi qu'un pull large qui cache tout de lui. Je me demande pourquoi ne se révèle t-il pas au grand jour.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il se montre aussi tôt. Le soleil n'est pas encore sur le point de sombrer. Je suis venu en début d'après-midi pour écrire, et depuis, je n'ai pas quitté la plage. Mon corps ne tient qu'avec la pomme et les fraises que j'ai accepté de manger ce matin.

Je me demande pourquoi j'aime ça. Ce sentiment de vide à l'intérieur de moi, de silence dans mon estomac. Je me demande pourquoi j'aime tant me contempler aussi faible, au bord du craquage. Peut-être que je veux voir jusqu'où je peux tenir, jusqu'à ce que je me réveille et me reprenne en main. Ou alors je me laisse réellement dépérir. Et à ce moment là, c'est un peu plus triste.

Tant est-il que plus rien ne passe la barrière de mes lèvres sans que ça ne m'écorche.

"Je veux t'emmener quelque part." fait-il, sans même me poser plus de questions sur la raison de mes larmes.

C'est rassurant, sécurisant. Lénifiant. Il ne me demande qu'à me laisser dériver à ses côtés, alors j'accepte, ravi de le rejoindre sur ses flots.

NOYADE [Taekook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant