Ce soir là, je passe la porte du gîte le sourire aux lèvres, la tête remuant d'un million de questions sur ce garçon de la plage. Je me demande ce qui l'a poussé à vouloir réaliser un tel acte, puis je suis aussi fasciné par sa franchise.
Je retrouve mon père, affalé sur la table de la salle à manger, la tête dans ses bras. Ses ronflements m'indiquent qu'il dort, et je me dis qu'il devait attendre mon retour avant de partir se coucher à l'étage. Mon coeur se décompose à cette pensée. Je me rapproche pour tapoter son épaule. Il va se faire mal, endormi dans cette position.
"Papa, je suis revenu..."
Ce dernier émerge. La fatigue dans ses yeux m'envoie un coup de poing de culpabilité dans le ventre. Je pince mes lèvres entre elles, alors qu'il se lève.
"Tu as mis du temps."
"Désolé... je- j'écrivais, et je n'ai pas vu le temps passer."
Ce n'est pas totalement la vérité, mais je me vois mal lui raconter ma rencontre avec ce garçon aux jeans amples, aux cheveux châtains, au regard strié des éclats de l'océan, dont je ne connais même pas le prénom.
"Tu n'aurais pas dû m'attendre." je rajoute.
"Je suis désolé, Jungkook. Tu as peut-être l'impression qu'on te materne, mais c'est qu'on a peur pour toi."
"Je sais." je le rassure, peiné. "Je comprends. C'est moi qui suis désolé."
"Ne t'excuse pas. Tu devrais aller dormir."
J'acquiesce en me mordant l'intérieur de la joue.
Je devrais.
Mais je ne suis pas sûr d'y arriver.
Pourtant, installé entre mes draps, le front fondant contre mon oreiller, je me laisse pour une fois emporter, loin d'ici, dans ce sommeil que mon corps mourant s'obstine à rejeter. L'idée de revoir ce jeune homme, demain, à la même heure, motive la fatigue à envoyer les bons signaux à mon cerveau, pour m'assurer un peu de repos.
Et alors je sombre.
Je sombre.
Tout est noir. Si noir.
Il fait nuit, je crois. Je ne suis plus au gîte. Non, la texture des draps est différente, je le sens sous la pulpe de mes doigts. Mon coeur bat plus vite lorsque je reconnais mon lit, à la maison, celui de la ville. Celui dans lequel je dors depuis que je suis enfant.
Je suis bel et bien là, enfoncé dans le matelas, et pourtant, je ne contrôle pas mes mouvements. Je tente de bouger un bras, mais il reste bloqué, paralysé dans un sommeil qui ne m'habite pourtant pas. Je ne peux que contempler ce qu'il se passe autour de moi, les yeux grands ouverts.
C'est étrange, j'ai à la fois l'impression d'être dans ce corps qui est le mien, et en même temps de flotter par dessus, de pouvoir regarder la scène d'un troisième oeil, de façon omnisciente. La panique parcourt mes veines. Elle se met à courir dans mes vaisseaux sanguins lorsque j'entends une sonnerie de téléphone, au loin.
Ce n'est pas la première fois que je l'entends.
J'ai l'impression de l'avoir déjà entendue. Un millier de fois, en boucle, à l'infini, sans pause.
Et puis je comprends. Je suis en train de rêver. Immédiatement, je tente de me sortir de là, je gigote dans tous les sens pour m'extirper de ce cauchemar, mais mes membres ne m'obéissent pas. Je suis cloué au lit.
Des pas précipités montent les escaliers. On ouvre ma porte en trombe.
"Jungkook !"
Ma mère. Elle se rue sur moi. Me réveille.
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NOYADE [Taekook]
FanfictionJungkook se noie sous les vagues impitoyables du deuil. Ses insomnies et ses difficultés à se nourrir révèlent son désir de se laisser mourir. Lors d'une escapade nocturne, il fait la rencontre d'un garçon, au bord d'une falaise, prêt à commettre l'...