chapitre 1

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Le 15 mars 3019 T.A.

Cavernes du royaume sylvestre, salle du trône


- Nous avons réussis à repousser les orques en dehors de nos frontières, monseigneur.

- Bien.

L'elfe s'inclina, mais ne fit aucun geste pour se retirer. Thranduil fronça les sourcils en voyant l'air hésitant de son serviteur.

- As-tu quelque chose à ajouter Deren ? demanda t-il.

L'elfe sylvain baissa les yeux avec déférence, et acquiesça.

- Seulement si vous me le permettez, majesté...

Thranduil inclina la tête, et l'enjoignit d'un geste de la main à poursuivre.

- Je pense que nous devrions les poursuivre monseigneur, et les éradiquer définitivement.

Le roi elfe se redressa lentement sur son trône.

- Pourquoi ? demanda t-il.

- Les orques sont de plus en plus nombreux, et les araignées s'enhardissent. Je crains que nous ne puissions tenir très longtemps nos frontières, répondit Deren. Il faudrait nous attaquer une bonne fois pour toute à la source, et...

- Je ne prendrais pas le risque de mener une attaque contre Dol Guldur, l'interrompit Thranduil avec fermeté. Cette forteresse est maudite, et il y a là un mal qui sévit contre lequel nous ne sommes pas de taille. Non, nous tiendrons nos frontières, coûte que coûte.

Deren baissa la tête honteusement.

- Oui, monseigneur.

Thranduil fit un geste nonchalant pour le congédier, et l'elfe s'éloigna aussitôt sur le chemin étroit et sinueux.

Le regard dur du roi elfe le suivit jusqu'à ce qu'il disparaisse.

L'attitude rebelle de Deren n'était pas un cas isolé. De plus en plus de ses serviteurs exprimaient leur inquiétude au sujet de Dol Guldur.

Et Thranduil n'aimait pas cela.

Depuis ces derniers mois, les orques et les araignées s'étaient multipliés à une vitesse décuplée, envahissant tout le Sud de la forêt, et atteignant même des territoires qui étaient autrefois protégés au Nord. Leurs patrouilles refoulaient de plus en plus difficilement l'envahisseur. Ils perdaient de jour en jour un peu plus de terrain. Et la liste des victimes s'allongeait, ce qui avait jeté un sentiment d'insécurité chez les elfes.

Beaucoup craignaient que l'ennemi soit devenu trop fort pour eux. Et ils sentaient tous le mal et l'ombre qui grandissait en Terre du Milieu.

Thranduil avait entendu des rumeurs inquiétantes.

L'anneau unique avait été retrouvé.

Mithrandir l'avait déjà averti de cette possibilité, mais il n'avait pas voulu le croire lorsqu'ils avaient interrogés ce Gollum... 

Thranduil avait vu les ravages de l'arme ultime de Sauron, il y a trois milles ans. Les souvenirs de la bataille sanglante de Dargolad ne l'avaient jamais quitté.

Il ne voulait plus jamais revivre ça.

Mais avec l'unique, venait la guerre... et il ne pouvait plus ignorer cela.

Le bruit courait depuis peu que le Mordor avait réussi à briser les défenses du Gondor, et que le Rohan était assiégé sur ses propres terres. 

Orthanc avait changée d'allégeance. Un magicien blanc allait et venaient sur la terre des dresseurs de chevaux, corrompant l'esprit des plus honnêtes hommes, et apposant sa main blanche sur les casques des orques...

Saroumane.

Ce misérable les avait trahis.

Si les royaumes du Sud tombaient, ceux du Nord ne tarderaient pas à suivre. Et les elfes ne seraient pas épargnés. Elrond commençait à renvoyer son peuple par-delà la mer, en Aman. Mais Thranduil n'avait pas l'intention de quitter si tôt la Terre du Milieu. 

Il avait conscience que son propre royaume subirait peut-être le même sort que celui des hommes. Et il ne pouvait compter sur personne pour les aider.

Les hommes de Dale pourraient être de précieux alliés, mais même ensemble, ils ne seraient pas assez nombreux pour vaincre les forces du Mordor. Et ce ne serait pas les nains qui accourraient pour les sauver. Non ils étaient seuls.

Ils n'avaient d'autre choix que de se terrer, avec l'espoir de se faire oublier de l'ennemi. 

Personne ne pouvait trouver ces cavernes. Elles étaient bien protégées. Ils pourraient vivre ici pour toujours, loin du monde et de la lumière. Son peuple serait sauf.

Mais il lui manquait quelque chose... 

Si Legolas avait été là, il aurait pu tenir à distance les orques et les autres nuisibles qui proliféraient sous le couvert des arbres. 

Mais son fils n'était pas revenu depuis qu'il s'était rendu à Fondcombe, pour apporter la nouvelle de l'évasion de Gollum. Thranduil s'était attendu à ce qu'il revienne après avoir accomplis sa mission, mais ça n'avait pas été le cas. Et cela faisait déjà un an.

Où était-il ?

Depuis qu'Aragorn était venu avec Gollum, pour lui demander de le garder captif, Thranduil ne s'était pas posé de question. Mais quand Mithrandir était apparu à sa porte, avec des paroles prophétiques de l'annonce du retour de Sauron et de l'unique, Thranduil avait immédiatement comprit que les problèmes surviendraient dans son sillage. 

Et il ne s'était pas trompé.

Il ne pouvait s'empêcher de penser que le magicien lié de près ou de loin à l'absence de Legolas. Quelque chose s'était produit à Fondcombe. Mais quoi ?

Mithrandir avait une fâcheuse tendance à fomenter des entreprises périlleuses et secrètes... qu'avait-il encore inventé cette fois ? Thranduil avait gardé un souvenir cuisant de ses précédentes expériences avec le magicien gris, notamment lorsqu'il avait poussé Thorin Ecu-de-Chêne à reprendre la montagne solitaire... 

Ce maudit magicien !

Thranduil serra ses mains sur les accoudoirs de son trône, jusqu'à s'en faire pâlir les doigts.

Il aurait dut le jeter dehors dès qu'il était venu !

S'il ne l'avait pas fait, c'était uniquement parce qu'Aragorn et Legolas avaient plaidé en sa faveur. Mais il aurait mieux dû écouter son instinct... en commençant par refuser de garder ce Gollum dans ses donjons !

Les plaintes larmoyantes et insupportables de la créature avaient semé le trouble dans son royaume, et lui donnaient encore de désagréables migraines.

Ne supportant plus de rester assis, Thranduil se leva et quitta son trône.

Les gardes qui se trouvaient autour de lui le saluèrent, mais il les ignora et descendit les marches.

Il avait besoin de réfléchir. Seul, et dans un endroit où personne ne viendrait le déranger. Il marcha alors vers ses quartiers, avec l'idée qu'un verre de vin de Dorwinion l'aiderait surement à éclaircir ses pensées.

La Forêt Noire : La destruction de Dol GuldurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant