8 : Deux Prétendants turbulents

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Morgane avait beau savoir que la surveillance de Mathieu Hidalf ne devrait durer que jusqu'à son mariage avec une certaine Marie-Marie du Château-Boisé,  elle trouvait le temps étonnamment long. La faute au Prétendant qui avait décidé de ne rien faire de la journée, et qui se contentait pour l'heure d'écrire une lettre. La nymphette sur son épaule ne cessait de le corriger sur les multiples fautes qui s'étalaient sans doute sur le parchemin.

La pré-Élitienne bailla bruyamment pour signaler son ennui, si bien qu'elle fut presque heureuse de voir la comtesse Dacourt se diriger dans leur direction, et elle prit la peine de se redresser du fauteuil où elle s'était avachie.

– Je lis la constitution des Élitiens, mentit fièrement Mathieu en montrant à la comtesse le livre sur lequel il s'était en réalité assis au cours des dernières heures.

– Lorsque vous dites que vous lisez la constitution des Élitiens, cette constitution que chaque élève de l'école doit connaître par cœur, vous voulez dire, je suppose, que vous la lisez pour la centième fois, afin d'en perfectionner votre connaissance, n'est-ce pas ? rectifia la comtesse avec une extrême politesse.

Autant dire que la sirène ne fut pas surprise en entendant l'enfant répondre avec un air abasourdi :

– Les autres élèves connaissent la constitution des Élitiens par cœur ? Je croyais que c'était une légende, comme celle qui prétend que les statues de l'école se réveillent la nuit pour jouer aux cartes !

La comtesse lui adressa un sourire de requin, avant de se tourner vers la pré-Élitienne.

– Monsieur Scabre, pouvez-vous me réciter les articles 4, 36 et 208 de la constitution ?

– Mais... bon, soit, soupira l'intéressée. Mais je vous préviens, si je me trompe parce que la constitution a changé au cours du dernier siècle, vous n'aurez pas le droit de me le reprocher.

Elle se racla la gorge, cherchant dans sa mémoire ces agaçants articles.

– Article 4 : les Élitiens ne peuvent être que trente, ni plus, ni moins, et leur capitaine est élu par les autres lorsque le capitaine précédent quitte l'Élite ou meurt dans son devoir. Article 36 : les nymphettes élitiennes doivent obéir à tout ordre donné par un Élitien, mais peuvent désobéir à tout autre membre de l'école. Article 208 : Il...

La fausse humaine plissa les yeux, ses iris saphirs étincelants dans une suspicion claire, alors qu'elle se demandait si la comtesse avait fait exprès de choisir cet article en particulier.

– Article 208 : La Galerie des gouffres est mortelle, les trois sirènes qui y vivent sont mortelles, et il est formellement interdit à quiconque de s'y rendre. Si un élève y entrait, il pourrait être poursuivi par la direction de l'Élite pour mise en danger à la vie des membres qui viendraient à le sauver. 

Elle marqua un nouveau temps de silence, attendant que la comtesse lui dise qu'elle avait découvert la véritable nature de la pré-Élitienne et ne la renvoie de l'école. À la place, elle lui déclara :

– Il est étonnant de constater que votre mémoire de la constitution des Élitiens est vive, là où vous avez pourtant déjà oublié la tâche que je vous avez confiée.

– Ah bon ? s'étonna la fausse humaine. De...

– Peut-on savoir pourquoi vous vous enfuyez en courant lorsque je vous croise dans un couloir, Mathieu Hidalf ? coupa la comtesse Dacourt d'un ton tranchant.

L'enfant lâcha l'ouvrage qu'il avait en main, avec un air si coupable que Morgane songea que c'était certainement l'expression qu'il arborait lorsqu'il était innocent. Elle aurait pu le laisser se débrouiller seule, mais puisqu'elle était également indirectement accusée par la comtesse, la pré-Élitienne se leva de son fauteuil et parla d'une voix claire :

La pré-Élitienne cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant