11 : Chaos discrets

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Depuis deux heures, Morgane attendait que Mathieu ait fini sa séance avec son psychologue puisque l'enfant lui avait interdit de l'accompagner après le fiasco de sa première séance en compagnie de Barjaut Magimel. Probablement qu'il voulait éviter des moqueries que la pré-Élitienne n'auraient pas su retenir, ainsi que l'embarras qu'il aurait eu à admettre qu'il ne connaissait rien à l'amour.

Morgane patientait donc devant la porte du bureau de la comtesse Dacourt, ne pouvant être dedans puisque la comtesse s'y trouvait déjà, surveillant ainsi elle-même Mathieu et Magimel, installés dans sa bibliothèque secrète. La fausse humaine tuait le temps en faisant quelques exercices d'escrime, ayant encore en tête son combat contre Louis Serra.

Même si elle ne comptait pas l'admettre, elle était époustouflé par le talent qu'il avait manifesté, ainsi que par celui de Julius Maxima. Ils semblaient être nés pour porter une épée, et leurs années d'efforts s'étaient ressentis dans chaque coup. Pourrait-elle un jour les égaler ? Sa stature avait beau être impressionnante, Morgane s'était toujours sentie plus agile que puissante, comme si sa force en tant que sirène était bridée par son corps humain.

Quand Mathieu eut enfin fini, la pré-Élitienne le suivit jusqu'à la bibliothèque, où ils s'assirent sur des fauteuils, à regarder la neige tomber depuis les hautes fenêtres. Après un moment, l'enfant ouvrit son album de l'Élite, sur les vignettes des frères Estaffes.

Morgane se pencha à son niveau, voyant les vignettes de six enfants, qui progressivement grandissaient jusqu'à devenir de jeunes hommes.

– Belle collection, nota-t-elle.

– Je ne comprends pas pourquoi eux avaient déjà des vignettes d'eux à onze ans, alors que je n'en n'ai encore aucune de moi, se plaignit Mathieu sans que le cœur n'y soit.

– Ils étaient six, tous nés la même année pour ce que j'en sais, tous avaient bien réussi leur épreuve du Prétendant... Très bien même. Les nobles parrainaient régulièrement les élèves prometteurs dès leur entrée dans l'école, probablement pour se faire bien voir d'eux plus tard en cas d'affaire de corruption. Ou peut-être pour être mieux protégés, je n'ai jamais vraiment su. Que six enfants, beaux comme eux, réussissent tous, c'était... peut-être un peu exotique, songea Morgane. Mais je crois qu'ils étaient très agacés par les séances de pose, ils en ressortissaient des heures plus tard, sans rien dire au peintre qu'un vague salut. Je croyais qu'ils trouvaient cela inutile, mais... Au regard du dernier siècle, ils espéraient probablement garder leurs visages inconnus pour pouvoir se fondre parmi les foules sans que quiconque ne les reconnaissent.

– Leurs vignettes sont rarement vendues, fit savoir le Prétendant. Il y en a toujours quelques unes, mais elles sont rares, et je soupçonne la comtesse d'en détruire une partie. Elle a l'air de détester les albums de l'Élite, elle a déjà pris des cartes aux élèves en disant que c'était le meilleur moyen de tomber dans les jeux d'argent que de négocier les cartes.

Morgane haussa un sourcil, plus préoccupée de constater la gravité sur les visages peints, signe que dès leur entrée dans l'école, à onze ans, les Estaffes avaient parfaitement connaissance du projet qui consistait à anéantir l'Élite.

– Le maléfice de Circé, songea le génie de la bêtise à voix haute, où pourrait-il être...

– Probablement un endroit reculé, répondit Morgane. La tour Disparue ou le lac des Bannis, mais...

Elle écarquilla les yeux alors que Mathieu se redressait, visiblement la même pensée en tête.

– Roméo Pompous ! Oh non, j'ai tué Roméo Pompous ! s'écria Mathieu.

– Je vais être condamné pour sa mort ! Tu vas reporter la faute sur moi parce que tu es un enfant et que je devrais être un adulte responsable ! se lamenta Morgane.

La pré-Élitienne cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant