La pré-Élitienne cachée

14 : Un futur spectacle bâclé

Morgane n'était pas restée bavarde avec Mathieu le reste de la nuit. Elle l'avait ramené à la bibliothèque, assisté à un odieux échange d'une carte brillante des six Estaffes contre une carte montrant un escalier de trois minables marches. Une escroquerie qui l'aurait fait bondir si la fausse humaine en avait été victime, mais puisque c'était le neveu du roi qui la subissait, la pré-Élitienne ne s'en mêlait pas. D'autant qu'en tant que futur héritier du royaume, le gamin aurait bien toutes les richesses possibles pour s'offrir les mêmes cartes s'il le voulait.

Mais par précaution, elle garda caché son vieil album de l'Élite à l'intérieur de son oreiller. Au cas où Mathieu Hidalf veuille se venger de l'affront de plus tôt et décide de lui piquer ses cartes inestimables.

— Et si nous allions dîner ? suggéra la sœur du terrible gamin. J'aimerais que nous mettions les pieds dans la galerie des Chandelles.

— Pourquoi ? s'enquit son frère d'un ton soupçonneux.

— Il paraît qu'il n'y a aucune nymphette dans cette galerie et que les centaines de chandelles sont magnifiques.

— Sinon, on peut directement justifier ça par le fait que c'est la galerie où on sert les repas, asséna Morgane d'un ton blasé. C'était déjà la salle de dîner pour l'Élite il y a un siècle, et normalement vous y êtes déjà allée hier puisque vous étiez déjà dans l'école... sauf si vous aviez sauté votre repas.

Ils se rendirent dans la galerie sous les commentaires de la jeune femme, qui paraissait un peu trop joyeuse pour que cela sonne vraie aux oreilles de Morgane. Néanmoins, elle fut surtout agacé qu'un homme avec une horrible perruque violette les interpelle pour qu'ils se rendent à sa table. Ce que la pré-Élitienne fit pourtant de mauvaise grâce, sachant que les Élitiens avaient une appréciation mitigée la concernant, et que Peter de Nemours la foudroyait du regard.

— Oh, l'ami des Estaffes se joint à nous également, quelle heureuse surprise ! s'épancha le mage stupide en la voyant. Vous allez m'en dire plus sur eux !

— Mathieu peut confirmer que j'ai balancé un Estaffes par la fenêtre et que si vous m'énervez, je ferai pareil avec vous, avertit la fausse humaine en s'asseyant. Donc ne cherchez pas à aborder le sujet, parce que vous n'êtes pas prioritaire aux Élitiens sur des infos confidentielles, et que je n'ai pas franchement envie de discuter des comportements de camarades qui me paraissaient normaux il y a un siècle et qui en fait sont des assassins. 

— Vous n'êtes pas d'une humeur charmante aujourd'hui.

Morgane se retint de cracher qu'elle avait faim, surtout abasourdie que quelqu'un ait pu croire qu'elle avait une humeur charmante le reste du temps. N'importe qui disait facilement d'elle du bien, mais sans jamais oublier sa franche insolence.

Elle tourna la tête au moment où le Prétendant insupportable sortit de sous la cloche qui devait coiffer son repas un journal.

— Tu manges du papier maintenant ? l'interpella-t-elle.

— C'est stupéfiant, ce journal date d'aujourd'hui ! constata Poucet Bergamote à son tour. Oh, ça concerne votre mariage !

Morgane se pencha par-dessus l'épaule du neveu du roi pour lire en diagonale l'article que Mathieu lisait avec intérêt.

— C'est vrai que si tu n'assistes pas à ton propre mariage, ça va être assez cocasse... « Veuillez échanger les alliances... avec qui ? Pas avec votre mari, il n'est pas là » se moqua Morgane en tentant d'imiter Barjaut Magimel.

— Vous...

— Pourquoi Louis Serra veut-il que tu découvres le Prétendant qui a déployé le sortilège, coupa la sœur de Mathieu qui s'apprêtait à gronder, s'il faut aussi un Élitien, un pré-Élitien et un Apprenti pour le rompre ?