7 : Rêves d'amour

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Morgane maugréait aux côtés de Mathieu, particulièrement ennuyée que le Prétendant suive la demande de Louis Serra de venir à la Grille épineuse, mais puisqu'elle devait surveiller le gamin elle ne l'empêcha pas de s'y rendre, le suivant de quelques mètres. Elle épiait du regard les nymphettes et Apprentis qu'ils croisaient dans leur route,  guettant à chaque détour de couloir la silhouette du capitaine agaçant, celle de ses deux acolytes, ou encore peut-être l'arbre aux six Exploits de William. Après tout, l'Hélios avait retrouvé son arbre doré, et aurait donc parfaitement pu pénétrer l'Élite sans la moindre difficulté.

Mais s'il tentait une manœuvre aussi frontale, la sirène savait que les Élitiens se jetteraient sur l'Estaffes dès qu'il poserait un pied dans l'école. Il devait certainement être dans un endroit discret du royaume, à essayer de se faire oublier de ses propres frères.

– Le capitaine n'est même pas là, se plaignit Morgane alors que Mathieu inscrivait son nom sur le registre de l'école. N'essaye même pas de sortir de l'école, sinon...

Elle se pencha sur l'épaule du garçon en voyant des lignes apparaître sur le registre, certainement écrite depuis le registre placé dans le bureau de la comtesse Dacourt, et fronça les sourcils devant le message.

Je suis furieux que tu sois de retour dans l'école, Mathieu. Tu ne réalises pas le danger que tu cours. Tu ne dois pas chercher à me voir. Nous ne devons pas échanger le moindre mot ni le moindre regard.

À compter de ce jour, tu es un Prétendant ordinaire à mes yeux. Comprends-moi, s'il-te-plaît. Nous sommes surveillés. Par la comtesse, certes... mais un autre nous surveille également, bien plus dangereux qu'Armance Dacourt.

Il est là, quelque part parmi nous. Plusieurs signes me confirment sa présence, sans que je puisse jamais le démasquer. S'il devine que nous sommes proches, Mathieu, il te tuera. Garde précieusement le secret de son existence. Tu ne peux faire confiance à personne.

– Il aurait pu penser à moi, fit remarquer Morgane. Dans la bibliothèque il aurait mieux fait de dire directement que tu devais être le seul à lire son message, parce que maintenant que je l'ai lu, tu es obligé de me faire confiance.

– Le capitaine ne se trompe jamais, il doit estimer que vous n'avez rien de dangereux, répliqua Mathieu. Capitaine ? appela-t-il.

Morgane observa les alentours sans détecter le moindre être vivant en dehors d'elle et du garçon, réfléchissant aux paroles écrites sur le registre et qui déjà s'effaçaient.

– Il y a un traître dans l'école, c'est ça ? demanda-t-elle.

– Non, affirma le petit Prétendant.

La fausse humaine savait qu'il mentait mais il fallait admettre que le garnement était terriblement convaincant. Si Morgane n'avait pas eu des doutes sur l'existence d'un possible allié des Estaffes au sein des Trente, elle aurait pu être berné par le génie de la bêtise et du mensonge. Elle ravala néanmoins sa certitude, essayant de paraître aussi innocente qu'un Prétendant qui écoutait une blague faite entre Apprentis en sachant qu'il devait faire semblant de ne pas la comprendre.

Elle accompagna le garçon jusqu'à la bibliothèque, où il se rallongea sur son lit tandis que la sirène se mettait en quête de livres intéressants pour s'informer sur les dernières décennies vécues par l'Élite et le royaume. Elle pestait à chaque avalanche de livres qui menaçait de lui procurer de vilains hématomes sur la figure, et durcissait sa luide pour éviter une mort stupide.

Elle s'était à peine assoupie dans un fauteuil, journal en main, lorsqu'un cri retentit dans la bibliothèque, et que Mathieu Hidalf affirmait à une nymphette qu'il venait de rêver que la moitié de l'Élite était assassinée par les Estaffes.

La pré-Élitienne cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant