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Je claque la porte d'entrée après avoir laissé passer Taehyung. Il est moins à l'aise qu'il l'était au bar, tout à l'heure. Je sais que c'est parce qu'il s'est senti pousser des ailes au milieu du groupe.

Maintenant qu'il est seul avec moi, dans ma maison, ses plumes ne font pas long feu.

« Ma mère n'est pas là. » je l'informe.

Je ne lui dis pas ça pour rien. Nos regards se croisent et il comprend ; je le préviens parce que ma mère est son médecin. En sa présence, il aurait été logique qu'il se sente mal en point.

Le fait que maman ne soit pas là apporte, ironiquement pour moi, un sentiment de légèreté à Taehyung.

« Tu l'accompagnes souvent à l'hôpital ? » il demande quand je récupère son blouson que j'accroche au porte manteau.

Il n'y a pas de raison qu'il retire sa veste. Nous ne sommes pas censés rester longtemps.

Je lui fais signe de me suivre vers l'étage. Les escaliers derrière nous, je réponds enfin.

« Quand elle a besoin d'aide. Elle me charge de parler avec les patients. »

J'ouvre la porte de ma chambre et fait entrer Taehyung. Je lui indique de se mettre à l'aise.

« Tu ne m'as jamais parlé, à moi. »

Il s'assoit sur le lit. Le bas de mes reins rencontrent mon bureau, en face de lui. On se regarde longuement en silence. Ni lui ni moi ne voulons vraiment parler de ça, en réalité.

Quand je le regarde comme ça, que son visage m'apparaît, illuminé par la lune à travers la fenêtre, je me dis que le rôle qu'il joue lui va plutôt bien. Je sais qu'avec moi, il fait de sa maladie son entière personnalité.

Je crois que ça le fait flipper, qu'on se côtoie.

« T'aurais pas aimé. » je souffle et il penche la tête sur le côté.

« Pourquoi ? »

Je passe ma main dans mes cheveux et les ébouriffe un peu. Je ne dirais pas que je me sens anxieux mais que cette situation joue avec mon état. J'ai beau me répéter ce que maman m'a dit tout à l'heure, je ne peux pas m'empêcher de me dire que je fais n'importe quoi.

Que je suis, là, maintenant, en train de me bousiller pour le reste de ma vie.

Mais à quoi bon, finalement ? Qu'est-ce qui prime ? Lui ? Moi ? Faire de sa pseudo fin de vie une aventure, ou de faire de la fin de la mienne un enfer dont je ne pourrais jamais me sortir ?

Qui dois-je choisir ?

Et comment pourrais-je me choisir moi, quand il est allongé là, en face, les joues rosées camouflées par la nuit, les cheveux éparpillés sur mon oreiller ?

Comment pourrais-je être égoïste quand il me suffirait de déboutonner sa chemise pour que son cœur me saute au visage, m'hurlant de l'aider lui, au risque de pas m'en sortir indemne ?

« Je peux te demander de ne pas rendre tout ça plus compliqué que ça l'est déjà ? »

Je vois son souffle s'échapper de ses lèvres. Et si la fumée est déjà un déclencheur, la petite larme lumineuse, semblable à du cristal, glissant sur sa peau à une lenteur inimaginable, l'est aussi.

Je sens mon ventre se retourner et ma gorge se bloquer.

Il sanglote, allongé sur le lit, et s'il s'était débarrassé de son masque avant de rentrer, sans doute aurait-il crié.

Peut-être que sa voix m'aurait percé les tympans, broyé le corps, ou quelque chose comme ça.

Parce que quand le soldat invincible se met soudainement à s'arracher l'armure, pour le reste de l'armée, il se passe quelque chose de bizarre.

AFFECTION [TAEKOOK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant