C'est maman qui m'a annoncé le problème de Taehyung.
Je ne le connais pas si bien que ça, Taehyung.
Je le connais de loin parce qu'il est populaire. C'est un populaire gentil ; le genre de type qui aide ceux qui ont besoin et qui ne dit jamais non à une partie de basket sur le terrain du haut.
Taehyung, c'est celui qui va montrer au plus mauvais de la classe comment bien positionner ses mains pour plonger en natation.
Taehyung, c'est celui qui va se dénoncer pour les bavardages intempestifs de ses camarades pour éviter aux cancres de se faire renvoyer de cours.
Taehyung, c'est celui qui va choisir un dessert qu'il n'aime pas à la cantine pour le donner à son ami qui n'est jamais rassasié de son seul plateau.
Taehyung, c'est beaucoup de choses. C'est le stéréotype du gentil garçon, poli, drôle sans être insolent, extraverti, et plein d'autres trucs.
Mais Taehyung, pour moi et pour beaucoup, ce n'est certainement pas le type atteint d'une cardiomyopathie hypertrophique.
Moi aussi, je ne savais pas ce que c'était avant qu'on m'explique.
Si je résume grossièrement, c'est une maladie qui fait épaissir le muscle cardiaque. Maman m'a expliqué que dans son cas, c'est le ventricule gauche qui déconne.
Ce que j'ai retenu de tout ce que maman m'a dit, c'est que son problème est dû à une mutation génétique héréditaire.
On appelle cette maladie la CMH. Et je crois que c'est les trois lettres que les murs du lycée entendent le plus depuis ce matin.
Je n'ai pas posé plus de questions. J'ai un peu l'impression d'empiéter sur sa vie privée. Déjà que tout le lycée est au courant, si tout le monde se met à faire des recherches sur sa maladie, ça devient vite lourd pour lui.
Depuis huit heures ce matin, quand la sonnerie nous a agressé les tympans de la même façon qu'elle le fait chaque jour, les bavardages sont étrangement moins bruyant.
C'est comme si tout le monde était un peu dans les vapes. Et je comprends que c'est une nouvelle bizarre, mais je ne peux pas m'empêcher de sentir l'injustice fourrer son nez dans cette situation.
Je sais que ce n'est sans doute pas le moment de penser à ça, mais si ç'avait été quelqu'un de moins visible que Taehyung, le malade, est-ce que tous les élèves seraient dans cet état ?
Je me pose souvent cette question. Je me questionne sur l'impact des gens sur la vie des autres ; là où il faut être bruyant pour être vu et où le silence devient un reproche.
Être silencieux, au lycée, c'est comme avoir une énorme pancarte clouée sur le front avec écrit « moquez-vous de moi ».
Je n'ai jamais compris pourquoi. Je n'ai jamais compris pourquoi des gens comme Taehyung ont le droit d'être silencieux mais qu'on en stigmatise certains pour ça.
Je sens les chuchotements dans mon dos quand la professeure entre dans la pièce. Tout le monde ici sait qu'elle va nous parler de Taehyung.
Elle va nous demander d'être gentils, calmes, doux avec lui.
Comme si nous ne le faisions pas tous les jours.
Je crois que les adultes adorent répéter des choses que nous savons déjà. C'est peut-être une façon pour eux de se sentir un peu supérieur à nous, pour nous montrer qu'eux n'oublient rien et pensent à toutes les éventualités.
Quand Madame Lee, la professeure de coréen, commence son discours sur les habitudes que nous devrions prendre avec Taehyung, je soupire pour moi.
Je crois même que toute la classe de terminale 4 soupire.
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AFFECTION [TAEKOOK]
أدب الهواةQuand la nouvelle tombe au lycée général public de Séoul, ça ressemble un peu à un drame. Kim Taehyung, le beau garçon des terminales 3, a le cœur en vrac. Il va peut-être mourir, Taehyung. C'est bizarre, parce que lui, il a l'impression que cette n...