AFFECTION [TAEKOOK]

20

Ma casquette jaune sur la tête, j'abaisse la visière pour ne pas être ébloui d'avantage par la lumière vive du couloir de l'hôpital. Le blanc des murs se reflète sur le sol et l'éclairage me force à garder la tête baissée. Eunchae, quelques mètres plus loin, discute avec lui, assis au bord du lit, l'infirmière ponctionnant son sang pour l'analyser.

Moi, je ne suis pas rentré dans la pièce. J'attends, adossé au mur devant la porte, jouant avec une cigarette dans ma main gauche. Elle passe par-dessus chacun de mes doigts, tournoie entre eux et termine sa course coincée entre mon index et mon majeur.

Examen de routine, il paraît. C'est Sacha qui a insisté. D'après lui, c'est à cause de moi qu'on a du l'emmener pour contrôler ses taux. J'aurais été la cause d'un pic de stress qui aurait pu être dangereux pour Taehyung.

Il me fait rire Sacha a toujours parler quand les choses vont mal mais à ne jamais se faire entendre quand tout va bien. Il a le chic d'être cet espèce de type qui ramène une mauvaise ambiance. Ses cheveux blonds coupés très court à la Eminem et ses yeux d'occidentaux, d'un marron foncé, lui donnent cet air un peu mesquin que je ne suis pas certain d'apprécier aussi souvent que je le pensais.

J'ai surtout du mal à comprendre pourquoi on me rejette la faute dessus quand je n'ai rien demandé à personne. C'en est presque rageant. Penser à moi finit toujours toujours par me revenir en pleine gueule. J'ai l'impression de ne même pas avoir la main sur ma propre existence. Si j'ai envie de la terminer, il me suffirait d'une seconde. Alors qu'ils s'estiment tous heureux que je n'ai pas encore choisi mon moment.

Je suis fatigué de leurs regards inquiets. Le pire de tous, sans doute, c'est celui de Yerin. Elle, elle ne sait pas autant qu'Eunchae. Un secret subsiste entre la plus jeune des deux filles et moi. Nos parts les plus sombres dévoilées, il n'existe plus rien de camouflé chez Eunchae dans mes yeux comme chez moi dans les siens. Nous avançons ensemble dans un silence de plomb, à la fois si près et si loin des autres. Ils ne se doutent pas de l'immensité du vide qui nous entoure, elle et moi. Je pense même qu'il est préférable qu'ils ne le découvrent jamais.

Ça casserait quelque chose en moi, je crois. J'aurais l'impression de trahir un pacte.

« Jungkook ? »

Je roule des yeux sans même reconnaître la voix qui m'interpelle. Je m'attends à ce qu'on me reproche encore des choses ou qu'on me lance ces regards fils d'inquiétude et de colère qui me poussent à bout. Seulement, mon corps, rigide, se détend quand je reconnais le parfum de Jimin.

Sa main s'enroule autour de mon poignet alors qu'il remue son briquet Vivienne Westwood en forme de cœur sous mon nez. Automatique, je me laisse tirer dans les couloirs longs et froids de l'hôpital sans un autre regard pour Taehyung qui est aussi coupable que les autres.

Il est même celui que je devrais blâmer plus fort. Son silence, je pourrais l'accepter. Ses yeux voilés, pourquoi pas. Son ignorance, ça, je ne peux pas.

Je comprends que je suis dehors quand mon souffle repart et que le vent gifle mes joues déjà rosées de la fraîcheur matinale de la ville balnéaire.

Proche, Jimin coince son briquet entre ses dents pour remonter ma capuche par-dessus ma casquette. Il allume le bâton de nicotine qui traînait entre mes lèvres et y colle le sien, démarrant son maigre feu grâce à ma cigarette. Jimin ne se recule qu'une dizaine de secondes plus tard, ses yeux quittant l'humidité de mes pupilles pour se poser derrière moi à quelques mètres plus loin.

« T'as mangé ? »

Je secoue négativement la tête. Intérieurement, je ne peux m'empêcher de remercier Jimin de m'avoir tiré de cette situation bien trop bizarre à mon goût. Taehyung me regardait sans jamais lever les yeux dans les miens, Eunchae m'ignorait - même si elle ne le voulait pas, elle était occupée -, Yerin et les autres étaient partis sans me prévenir.