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Je me suis toujours posé milles et une questions.

Chaque chose que je vois, que je lis ou que j'entends, fait naître en moi des interrogations. J'ai l'impression de ne jamais avoir grandi, sur ce point.

J'ai dix-sept ans et pourtant, je me demande toujours pourquoi on a choisi d'appeler un livre un livre, une table une table, pourquoi j'aime ci et non ça, pourquoi mes cheveux sont bruns, pourquoi je suis né ici.

Je ne peux pas passer une journée sans que mon cerveau tourne à plein régime. C'est un peu pour ça que je ne dors pas bien. Je pense sans arrêt.

Je ne sais pas faire taire mon cerveau. Il ne fait que répéter les mêmes questionnements quand je n'obtiens pas de réponse.

C'est un peu fatiguant, d'être moi. Parce que finalement, je ne me repose jamais. Je ne connais pas cette sensation de calme et de silence intérieur.

Il faut toujours que ma tête ou mon corps soient en action au risque que j'aille mal. Je n'ai pas appris à vivre immobile et silencieux.

Enfin, on ne m'a jamais appris à me faire taire de l'intérieur. Le son de ma voix, on m'a vite fait comprendre qu'il fallait parfois le réduire au silence.

Je ne dirais pas que j'ai eu une enfance difficile, parce qu'excepté des événements plus graves qui me réveillent la nuit, on m'a toujours nourri, habillé et à peu près aimé.

Mais au-delà de tout ça, on ne m'écoutait pas. C'est sans doute ce que je retiens le plus de toutes ces années. Ma voix était sans cesse couverte pas celle des autres.

C'était frustrant, à la longue.

J'ai fini par me taire et me murer dans un silence qui inquiétait mes proches. Mais c'est toujours comme ça ; on cherche à parler, on ne nous écoute pas alors on se tait, et là, miraculeusement, les gens s'inquiètent de pourquoi on ne parle plus.

J'ai du mal avec toute cette hypocrisie innée. Rares sont les personnes qui en ont véritablement quelque chose à faire de nous entendre ou nous écouter.

Il faut être profondément bienveillant, pour ça. Parce que ça coûte, d'écouter. Ça demande du temps, de l'énergie, et de l'amour, aussi.

C'est peut-être ce qui fait défaut à notre société.

L'amour et la bienveillance manquent. Et plus on avance, plus je grandis dans ce climat de haine, plus je m'inquiète. Je me dis que peut-être, je me réveillerai un jour dans une société où on ne voudra pas d'un frère ou d'une sœur en raison de sa couleur de peau ou de ses yeux bridés.

Peut-être en sommes nous plus proches que je n'ose le croire.

Parce qu'au fond, moi, j'ai encore espoir. J'ai espoir de changer le monde, de laisser une trace, d'avoir la chance d'être entendu pour de bon.

Je veux qu'on m'entende, moi et ma petite voix insignifiante, parce que j'ai des choses à dire. J'ai des gens à défendre et des cœurs à protéger.

Je suis certain que si on nous écoutait, nous, graines de jeunesse et de tolérance, le monde irait mieux.

Si on nous écoutait, ceux qu'on fait taire à jamais, alors nous pourrions nous en sortir. Si pour une fois, on faisait taire ceux qui parlent pour rien dire, ceux qui hurlent pour hurler ou ceux qui monopolisent l'Univers de par leur argent, peut-être irions nous plus loin.

Si seulement nous avions le droit de parler, nous, les racines d'un monde qui, je le sais, serait synonyme de véritable liberté.

Ça paraît si irréel d'imaginer un tel monde. Ça coûterait trop chair aux égoïstes. Et étrangement aujourd'hui, on préfère ravirent les auto-centrés quand les foules, elles, ne se battent que pour des droits simples et humains.

AFFECTION [TAEKOOK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant