Un cri d'horreur résonna.
Un hurlement à vous glacer le sang. J'ouvris les yeux si rapidement que la lumière du jour m'éblouit. Mes paupières papillonnèrent pour s'habituer à la lumière. Je n'étais plus dans mon lit. Le sol humide n'était autre que de l'herbe et de la terre. J'étais allongée sous de grands arbres verts. Un peu trop verts pour la saison. Nous étions en octobre et habituellement les feuilles étaient orange ou rouges et recouvraient le sol. Je me redressai et fus immédiatement prise d'un vertige.
Ma vision tournait. J'avais l'impression que le sol tanguait. Je touchai mon front et sentis quelque chose d'anormal. Mes doigts étaient tâchés de sang. Mon sang. J'avais sûrement dû tomber et me taper la tête. Prise d'un soudain sanglot, je ne pouvais expliquer ce sentiment avant de me rendre compte que je ne me rappelais plus rien. Je ne savais ni qui j'étais ni où je me trouvais. Mais surtout qu'est-ce que je faisais là, allongée par terre dans une forêt dont les feuilles étaient anormalement vertes.
Je me levai et décidai de faire un point sur ma situation lorsqu'une douleur épouvantable me déchira l'abdomen. Je passai ma main dessus et mes doigts s'y posèrent délicatement. Une substance liquide recouvrait mon ventre. Je baissai les yeux et vis une large plaie encore ouverte dont la cause semblait tout juste avoir été retirée. Du sang en coulait encore un peu mais elle semblait cicatriser à une allure phénoménale. Ma main était visqueuse et pleine de sang. Tout à coup, le souvenir de ce qu'il s'était passé me revint en mémoire.
Il était presque vingt et une heure. Dans une petite maison d'un village, une jeune fille était dans son lit. Sa mère, assise à côté d'elle, la bordait. Le visage de la femme recelait de la tristesse tandis que celui de la fillette arborait un petit sourire.
— Ma puce... Je suis vraiment désolée, marmonna-t-elle.
La mère était une très belle femme aux londs cheveux blonds cendrés et avec une peau si délicate qu'elle ne reflétait pas son âge. Elle était fière et sous son apparence de jolie jeune femme se cachait une puissante guerrière.
— Nous reviendrons, ne t'en fais pas...
— Vous revenez quand précisément ? demanda la fillette.
— Je ne sais pas mais nous reviendrons dans quelques jours. Je te le promets.
Les parents se rendaient à la capitale Valbe pour s'entretenir avec le roi. Mais ce que l'enfant ignorait, c'était qu'une guerre se préparait à l'intérieur même du pays. Les parents n'étaient pas encore sûrs de pouvoir revenir de sitôt auprès de leur fille et de leur fils.
— Laila, il faut partir. Maintenant.
Un homme, le père, passa sa tête par la porte et regarda sa fille avec amour et nostalgie. Celle-ci se redressa et demanda à son père d'approcher. Le père souriait malgré sa tristesse intérieure pour ne pas inquiéter ses enfants. Il avait une voix grave et puissante et une carrure fine, qui ne lui permettait pas de briller au combat mais un regard brun presque jaune qui inspirait le respect et l'obéissance.
— Je vous aime très fort.
La petite famille s'enlaça lorsqu'un jeune garçon, un adolescent, entra à son tour dans la pièce. Il ressemblait beaucoup au père, c'était son premier enfant. Il approcha et s'assit entre les deux adultes.
— Ce n'est pas sympa de ne pas me prévenir quand vous faites des câlins sans moi.
— C'est justement parce qu'on ne veut pas de toi, riposta sa jeune sœur.
Elle se fit un peu réprimander par sa mère pour ses propos dits « méchants » envers son grand frère.
Il affichait par ailleurs un large sourire même s'il savait ce qu'allaient faire ses parents.
Assis tous les quatre sur le lit de la fillette, ils s'enlacèrent sans savoir que cela serait la dernière fois. Chacun profitait de ce moment, les parents sans doute plus que les enfants. La mère souriait tendrement auprès de sa famille mais un bruit sourd venant de l'extérieur les surprit. Sans réfléchir plus longtemps, les deux adultes capables se rendirent à la source du bruit. Leurs pas précipités étaient attentivement écoutés par leurs enfants. La porte d'entrée se ferma d'un coup sec ce qui fit frémir la fillette. Tremblant de peur, elle se blottit contre son frère pour y chercher du réconfort.
Immédiatement après, le bruit se répéta de nouveau. L'on pouvait discerner de faibles explosions.
Les petits, toujours réfugiés à l'étage de la maison, devinaient que leurs parents menaient un combat. Au fur et à mesure que les secondes passaient, le vacarme s'intensifiait et les deux jeunes enfants commençaient à douter de l'avenir de leurs parents lorsqu'enfin les bruits cessèrent. La porte d'entrée claqua et des bruits de pas sur le plancher se firent entendre. Le grand frère semblait soulagé mais se releva sur la défensive pour protéger sa jeune sœur.
— Papa ? Maman ? cria-t-il.
Les pas s'interrompirent et reprirent. La personne se rapprochait. Elle serait bientôt dans la chambre. Ce n'étaient pas leurs parents, autrement ils auraient répondu. C'était autre chose, quelqu'un d'autre mais pas une personne de leur entourage.
Lorsqu'elle entra enfin dans la pièce, le grand frère se figea comme de la glace. Il regardait cette personne ou cette chose avec mépris. La créature s'arrêta dans l'encadrement de la porte, elle semblait murmurer mais les paroles étaient incompréhensibles. Cela ne sonnait même pas comme une langue aux oreilles des deux enfants. Les paroles, ou plutôt ce qui prenait source dans la bouche de cet être, n'étaient pas d'origine humaine, cela ne se pouvait pas. C'était bien trop effrayant.
Alors qu'il cessa de parler, il se mit aussitôt à avancer à pas lent en direction des frêles humains qui étaient terrorisés. Le glissement du tissu de son long manteau noir, sale de boue, sur le sol était à présent le seul son qui régnait en ces lieux. L'intrus avait dans une de ses mains une longue lame aiguisée, elle dégoulinait. Des gouttes rouges tombaient lentement sur le sol à mesure qu'il s'approchait du garçon.
C'est là que la fillette comprit. Cet individu, quel qu'il soit, avait tué ses parents. Leur sang recouvrait l'arme et les mains de leur tueur. Son petit corps se mit à trembler encore plus. Une paralysie s'empara d'elle alors que son frère parvenait à s'en défaire. Sa main rougeoyante, il s'élança sur la créature mais, ce fut sans succès. La chose leva la dague et la planta dans le corps du garçon tandis que l'enfant restait assise dans son lit sans rien pouvoir faire. Le corps sans vie de son aîné tomba sur le sol avec fracas. L'intrus avança à pas lent vers le lit et se pencha au-dessus de la petite fille. Avant que la créature ne la transperce à son tour, elle eut le temps de voir son visage.
C'était un humain, un homme. Il avait un regard froid et fuyant et de profonds yeux bleu clair mais vraiment très effrayants. Son visage était balafré de toutes parts et ne laissait apparaître aucune once d'innocence. Cet homme qui avait tué froidement son frère et sûrement ses parents ressemblait plus à une bête qu'à un Homme. Et elle allait mourir de ses mains, elle le savait. Elle ne pourrait pas dénoncer l'assassin de sa famille, et celui-ci pourrait reprendre sa vie et continuer à tuer des gens innocents, comme elle.
Sans plus attendre, l'homme enfonça profondément la dague dans l'abdomen de l'enfant qui hurlait de douleur et de terreur. L'assassin s'accroupit auprès de sa proie avant de tourner lentement son arme dans le petit corps puéril avant de se relever en regardant le visage enfantin tordu par la douleur. La petite fille allongée sur le lit, la tête sur l'oreiller, regardait, horrifiée, son meurtrier tandis que ce dernier partait. Une larme de deuil pour sa famille coula sur sa joue avant qu'elle ne sombre vers la mort.
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Gardiens des Magies - Tome 1
FantasyDans un monde pourtant pas si différent des autres, règne la Magie. Anthéa Valberton avait seulement douze ans lorsque sa famille a été assassinée. Après un an et huit mois, elle s'est réveillée, seule, sans souvenir de ce qu'elle a pu faire depuis...