Gardiens des Magies - Tome 1

Chapitre 12 - Fantôme de sang, fantôme vivant

J'étais assise sur le parquet dans un coin du salon. J'essayais de me souvenir de la moindre chose qui aurait pu se produire durant ces deux dernières années. Mais... c'était un vide complet. Le plus frustrant dans cette histoire c'était que je n'avais aucune impression de vide. Je me sentais bien et cela me perturbait.

Mon regard se posa sur mon frère que j'apercevais par la fenêtre. Lui qui avait vécu ces dernières années, je me demandais à quel point ça avait dû être dur pour lui. Quand je m'étais réveillée j'avais pu retrouver mon frère et la mort de mes parents ne m'avait pas touchée autant que l'on aurait pu s'y attendre. C'était sans doute parce que j'avais oublié les moments difficiles mais j'avais l'impression que Thalion les avait vécus seul. J'étais peinée de ne rien pouvoir lui dire. Lui parler de ce que chacun avait fait de son côté.

Je me mordis la lèvre inférieure, que pouvais-je donc faire pour rattraper ça ?

Je sentis une présence se glisser à mes côtés. Je tournai la tête et découvris l'adorable et méprisable Léoni. Je ne le détestais pas mais je le trouvais toujours trop joyeux, trop naïf, et à certains moments je le découvrais sérieux et protecteur. Je ne savais que penser de lui et cela me perturbait. Néanmoins, je le laissai s'asseoir près de moi.

— Tu vas bien ?

Je ne répondis pas. Oui, j'allais bien. Mais comment dire une telle chose alors que j'étais censée être une jeune orpheline perdue dans des affaires beaucoup trop importantes pour elle. Ce n'était pour le moment pas une histoire que j'étais prête à raconter.

— Je peux comprendre que tout cela te semble dur. Si jamais ça l'est vraiment trop, viens me parler. C'est tout ce que je peux faire dans cette situation parce que je ne peux pas garantir ta sécurité. Thalion n'a peut-être pas reçu l'aide de la personne adéquate pour cette mission.

Était-il en train de dire que j'allais mourir ? Qu'il n'était pas en mesure de répondre aux attentes, sans aucun doute élevées, de mon frère ? Qu'est-ce qu'il racontait ? Il avait su mettre rapidement à terre la cheffe d'un groupe de mercenaires sans être blessé. Que voulait-il de plus ? Posséder la puissance d'un dieu ? Je ricanais intérieurement. Si seulement cela était possible...

Je l'entendis tourner la tête vers moi alors mes yeux se posèrent dans les siens. Ses grands yeux étaient sertis de deux pupilles semblables à des gemmes. Des nuances de bleu clair et turquoise qui rayonnaient. Je n'avais jamais vu l'océan mais pour moi, ses yeux étaient ce qui s'en rapprochait le plus.

— Mais Thalion est un ami très précieux. Il nous a parlé maintes et maintes fois de toi, de combien il regrettait de n'avoir pu faire plus quand tu es morte. On l'a vu tellement abattu par ta mort que je me suis fait une promesse. Je serais prêt à faire tout mon possible, même jusqu'à mourir, si tu pouvais rester à ses côtés pendant encore des décennies.

Mes yeux s'agrandirent. Thalion... Mon frère... Je sentais mes yeux me piquer en imaginant toute la douleur qu'il avait dû ressentir en se retrouvant seul. Je me rendais compte maintenant de l'amour qu'il me portait. Et quand je regardais dans les yeux d'un de ses amis les plus chers, j'étais heureuse qu'il ait trouvé des amis comme ça. Il le méritait tellement. Alors, des larmes roulèrent sur mes joues en pensant que peu importait que je connaisse ce qu'il avait enduré, je le soutiendrais dans ce qu'il était devenu. Peu m'importait de connaître la vérité. Je le vengerais même au prix de mon âme.

J'essuyai de mes joues les quelques larmes qui avaient coulées.

— Merci... d'avoir été là pour lui, murmurai-je en me détournant de lui.

Léoni était quelqu'un de très expressif et d'honnête. La plupart du temps ses gestes trahissaient ses pensées. Au contraire de Thalion qui était assez timide et plutôt d'un naturel froid. Comment une amitié avait-elle pu naître entre eux ?