Le carnet (suite)

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     Tia avait fini de lire depuis quelques minutes maintenant. L'après-midi touchait à sa fin. Toujours accroupie sur son lit, la jeune fille fixait un point au hasard dans la chambre. Les questions qui se bousculaient il y a encore peu dans sa tête avaient laissé la place à un silence pesant. Elle n'aurait su décrire les émotions qui l'habitait. Des coups furent frappés à la porte qui s'entrouvrit sur le visage du doc. Son regard analysa la jeune fille avant de se poser sur le carnet. Il eut l'air de comprendre et hocha la tête.

- Tu peux venir le voir, se contenta-t-il de dire.

      À la manière d'un robot, Tia se leva et suivit le docteur jusqu'à la chambre où reposait Yaël.

- Il dort encore mais tu peux rester un peu à ses côtés, lui expliqua-t-il sur le pas de la porte.

- Comment va-t-il, demanda-t-elle hésitante.

- Son état n'évolue pas. Je ne peux rien faire de plus pour lui pour le moment. Il faut surveiller en attendant une évolution.

     Ce diagnostic n'avait rien de rassurant. Tia poussa délicatement la porte de la chambre. Cette dernière était sombre, les volets étaient fermés sans que Tia ne sache si c'était pour permettre au blessé de se reposer ou pour empêcher des passants curieux de jeter un coup d'œil par la fenêtre qui donnait sur la rue. Un tabouret se trouvait près du lit et Tia s'assit dessus. Elle se pencha en avant et son regard se posa sur le visage du vieil homme. Aujourd'hui plus que d'habitude il semblait usé par le temps. Ses cheveux gris étaient gras, surement à cause de la transpiration de l'homme due à la fièvre. Sa peau était livide, presque transparente. Des cernes creusaient son visage sous ses paupières fermées. Un début de barbe lui donnait un air négligé. Il avait l'air aussi mal en point que les malades des quartiers pauvres de la ville. Tia avait l'impression de ne pas reconnaitre l'homme qui se trouvait dans ce lit. Elle réalisa alors qu'elle ne l'avait peut-être jamais réellement connu comme semblait le faire croire le carnet dans lequel il avait couché ses pensées. Elle ne se sentait pas à sa place dans cette chambre. Elle devait sortir. Elle avait besoin d'air. Elle se releva brusquement faisant tomber son tabouret dans un bruit sourd. Elle sortit précipitamment de la pièce et se dirigea vers la porte d'entrée de la maison.

- Yaël a eu une vie compliquée.

     Tia s'arrêta. Le docteur Emissien était assis dans un coin de la pièce, enfoncé dans son fauteuil. La jeune fille tourna la tête vers lui, la main sur la poignée.

- Lorsqu'il a quitté la ville il y a de cela presque 20 ans, je savais qu'il reviendrait. Son cœur était meurtri mais il avait plus de valeurs que tous les hommes que j'ai rencontré dans ma vie. Je ne m'attendais juste pas à ce qu'il revienne avec une pueria.

     Le cœur de Neptia se serra dans sa poitrine. Parce que ces mots la touchait mais également parce que ce mot, « pueria », un mot si commun pour la région qui permettait de désigner familièrement un enfant, ce mot lui rappelait Yaël qui l'avait prononcé tant de fois lorsqu'elle était petite.

- Yaël a toujours eu à cœur de protéger les plus faibles. Mais il était prêt à tout laisser tomber pour toi. Sauver le monde n'avait pas d'importance s'il ne pouvait pas te sauver toi.

     La main de la jeune fille se serra sur la poignée et les larmes lui montèrent aux yeux. Finalement elle ouvrit la porte et se précipita dehors. Une fois dans la rue, elle se mit à courir, mettant le plus possible de distance entre elle et la maison.

***

      Den était seul. Il était entrain de découper un tee-shirt.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Terre de sang - Le prix du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant