La fuite

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Un jour, puis deux s'écoulèrent ainsi. Bientôt cela fit une semaine qu'ils étaient là et leur départ ne semblait pas être une priorité. La météo n'avait pas changé, il faisait encore particulièrement bon pour la saison. Tia avait même aperçu une fleur qui n'aurait jamais dû fleurir à cette période de l'année. Yaël prétendait que l'hiver n'en serait que plus rude. Ce dernier passait ses journées en compagnie du Dr Emissien. Tia n'avait rencontré celui-ci qu'en rentrant de son expédition. Il était déjà tard et après avoir déposé sa cape sur un porte-manteau, elle s'était dirigée vers la cuisine, espérant trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Ludia leur avait expliqué qu'elle mettait toujours de côté quelques gâteaux dans le pot en porcelaine qui ornait le centre de la table. La journée avait été très instructive mais également fortement chargée émotionnellement. Tia était fatiguée mais lorsqu'elle se rendit compte que la lumière de la cuisine était encore allumée, la curiosité ralluma un souffle d'énergie en elle. Les deux hommes étaient assis à table, seulement éclairée par une petite bougie. Ils étaient en pleine discussion, conversation qu'ils interrompirent à son arrivée. Sans s'en formaliser, Neptia s'approcha de leur hôte. Yaël, l'accueillit d'un signe de tête avant de la présenter auprès de son interlocuteur :

- Doc, je te présente Neptia, la petite qui m'accompagne.

Un grand sourire apparu sur le visage du Docteur. L'homme avait la cinquantaine, peut-être même la soixantaine comme le laissait soupçonner ses cheveux blancs. Il avait des rides autour des yeux et du front mais cela rajoutait du charme et de la sagesse à son visage. Il portait un costume élégant, gris foncé, comme devait le faire la plupart des médecins. Aucune cravate n'occupait son cou mais après avoir cherché un peu, Tia vit celle-ci posée sur une chaise dans un coin de la pièce. Elle n'avait jamais rencontré cet homme et en conclut donc que son amitié avec Yaël devait remonter à presque deux dizaines d'années au moins. Il lui tendit une grande main, bien que plus délicates que celles de Yaël. Une légère barbe encadrait son visage, elle n'avait rien à voir avec celles des fermiers et aubergistes que Tia avait rencontré par le passé. Elle régulière, taillée, on voyait qu'il en prenait grand soin.

- Enchanté Neptia, je suis le Dr Emissien, appelle-moi Doc, comme tout le monde.

Un drôle de surnom, pensa la jeune fille. Elle avait rencontré des personnes avec des prénoms originaux par le passé (en réalité, elle ne connaissait le véritable prénom de peu de personne), aussi elle ne s'en formalisa pas. Elle lui sera donc la main et lui répondit dans un sourire.

- Seulement si vous m'appelez Tia, répondit-elle.

Ils entamèrent tout trois une conversation. Doc interrogea son invitée sur ce qu'elle avait fait de la journée, comment avait-elle trouvé la ville, avait-elle fait des rencontres. À aucun moment les deux hommes ne reprirent la conversation que son arrivée avait interrompue. Comme l'heure du repas approchait, Tia alla se passer les mains et le visage sous l'eau. Quelle revint, Ludia était entrain de servir le repas. Ils s'installèrent tous les quatre tout en discutant. Yaël fit le récit de leurs voyages au cours des dernières années, récits que Tia alimentait de petites anecdotes. Le Doc et Ludia riait de bon cœur à certaines de leurs mésaventures. Ils finirent par aller se coucher. Neptia remarqua que quelqu'un (Ludia surement) était venu faire le ménage dans sa chambre. Elle appréciait l'attention. D'autres auraient probablement eu l'impression qu'on envahissait leur intimité mais Tia n'avait jamais eu de chambre à elle. Elle avait toujours dormi là où s'était possible, en compagnie de Yaël.

***

Les jours continuèrent ainsi quelques temps. Les deux compagnons de routes restèrent bien plus longtemps que ce qu'avait imaginé la plus jeune. La journée elle rejoignait les enfants qu'elle avait rencontré le deuxième jours. Ils erraient dans les rues. Elle fit plus ample connaissance avec Den qui essaya de lui apprendre des méthodes de pickpocket sans succès. Tia avait trop de mal avec la subtilité. Faire semblant de rentrer dans l'épaule de quelqu'un était impossible pour elle. Soit elle le faisait vraiment et avec beaucoup trop de force (Den avait eu mal à l'épaule tout l'après-midi) soit elle ne touchait même pas sa cible. Lui subtiliser quelque chose devenait alors impossible. Le jeune homme abandonna finalement l'idée de l'initiée, ce n'est pas comme si elle avait besoin de cette compétence. Le midi, ils partageaient un repas tous ensemble dans une rue à l'écart des regards. Au début elle partageait avec eux leurs butins mais les jours passèrent et constatant de plus en plus la misère dans laquelle ils vivaient la culpabilité pris le dessus. Elle se mit alors à acheter des aliments avec l'argent que lui donnait régulièrement Yaël. Elle fut confortée dans sa décision lorsqu'elle vit les yeux des enfants s'illuminer lorsqu'elle partagea en plusieurs morceau le quart de tarte aux pommes qu'elle avait acheté cette fois-là.

Terre de sang - Le prix du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant