Le carnet

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     Neptia était particulièrement en colère. Elle était seule dans sa chambre, ne sachant que faire et attendant le réveil de son mentor. Encore une fois, les adultes la tenaient à l'écart. Assise sur le bord de son lit, elle se laissa tomber en arrière. Ses yeux se posèrent sur le plafond blanc. Le soleil filtrait par la fenêtre et des éclats de lumière parsemaient la surface qui la surplombait. De dehors, lui parvenaient les sons du quotidien. Ce matin-là, le jour s'était levait et la ville et ses habitants avaient repris leur vie comme si aucun événement traumatisant n'avait perturbé la nuit. Et pour la plupart d'entre eux, c'était le cas, réalisa la jeune fille. Ses doigts tapotaient la couette tandis que son cerveau tournait à plein régime. Rester immobile, attendre sans ne rien faire était une véritable torture. D'un bond, elle se mit debout et commença a arpenter la pièce de long en large. Mais même ainsi, les 10 mètres carrés de la chambre n'étaient pas suffisants pour calmer son agitation. Le parquet grinçait sous ses pieds, et bientôt le bruit attira l'attention des autres habitants de la demeure. Alors que Tia opérait un demi-tour une fois de plus. Des coups furent frappés à la porte de sa chambre.

- Tia ? C'est moi, lança la voix hésitante de Ludia. Je peux entrer ?

     La jeune fille s'arrêta net, et son cœur rata un battement. Elle se précipita vers l'entrée et actionna la poignet d'un geste brusque.

- Ludia ! Tu as des nouvelles de Yaël ?

     Son interlocutrice sursauta puis ses épaules s'affaissèrent.

- Malheureusement, son état demeure le même.

     Tia poussa un soupir de frustration. Ludia lui accorda un regard compatissant.

- Je venais t'apporter les affaires de Yaël. Le doc l'a changé, et il s'est dit que tu aimerais récupérer quelques trucs dans tout ça.

     La jeune fille haussa les épaules avec une petite moue. Elle attrapa le paquet qu'elle lui tendait et recula dans sa chambre avant de fermer sa porte. Elle jeta les affaires en un tas et se jeta à nouveau sur son lit. Sa poitrine était serrée, elle se sentait coupable de ce qui était arrivé. Chassant ces sentiments négatifs de sa pensée elle roula sur le côté et regarda en direction de la fenêtre. Un oiseau s'y posa. Soudain, un caillou vint taper la vitre et l'oiseau s'envola. Neptia se précipité par la fenêtre qu'elle ouvrit maladroitement (la poignée était vieille et restait souvent bloquée). Elle se pencha pour apercevoir la rue en contrebas. Elle y vit Den avec Lauria et Eden, deux gamins avec qui elle avait trainé ces derniers jours.

- Tia ! Qu'est-ce que tu fais, tu ne sors pas avec nous aujourd'hui ?

Neptia n'avait rien à faire et peut-être aurait-elle dû les suivre pour se changer les idées. Mais l'idée de s'éloigner de Yaël tant qu'il n'allait pas mieux l'angoissait. Elle déclina l'invitation. Den lui proposa de les rejoindre plus tard si elle changeait d'avis mais comme elle maintenait son refus, il s'éloigna une petite grimace déformant sa bouche, déçu. Tia retourna s'assoir sur son lit. Les mains sur les genoux, elle regarda autour d'elle, attendant... quelque chose, un signe, n'importe quoi qui pourrait lui changer les idées. Ses yeux se posèrent sur les affaires de Yaël. Elle ne savait pas pourquoi le Doc voulait qu'elle récupère ces affaires. Les poser dans la chambre de son propriétaire aurait largement suffit et Yaël les aurait récupérés à son réveil. Curieuse, elle ramassa le tas qu'elle éparpilla sur son lit. Il y avait des vêtements, une bourse à moitié remplie, une dague, un mouchoir. Rien de bien intéressant en soi. Elle fouilla dans les poches des vêtements pour voir si elle ne ratait rien. C'est alors que sa main entra en contact avec un carnet. Elle sortit de la poche et l'observa. C'était le carnet dans lequel elle avait vu son compagnon inscrire des choses plus d'une fois. Il y dessinait également, mais elle n'avait jamais pu en voir le contenu. Elle posa devant elle, sur le lit où elle était assise en tailleur. La curiosité la poussait à l'ouvrir, mais elle avait la sensation qu'elle s'apprêtait à faire une bêtise. Bien sûr, Yaël n'était pas obligé de savoir qu'elle l'avait ouvert... mais cela lui semblait une terrible idée de profiter qu'il soit inconscient pour envahir ses pensées. Le carnet était recouvert d'un cuir noir. Le papier était jauni, preuve de l'ancienneté de l'objet. Sur la tranche, on pouvait même distinguer une tâche d'encre délavée. Finalement, la curiosité prit le dessus. Lentement, la jeune fille souleva la couverture. Sur la première page rien n'était écrit. Cela aurait pu suffire à lui faire changer d'avis mais Neptia en avait marre des secrets. Cela faisait des semaines maintenant que le vieil homme faisait des messes basses, s'absentait sans dire où il allait. Aujourd'hui encore elle était dans cette chambre alors que les autres se trouvaient sans doute au chevet du blessé. Elle voulait savoir. Elle n'était pas qu'une enfant. La page suivante était recouverte d'une encre noire. L'écriture était délicate, ce n'était pas celle d'un marchand ou d'un paysan. Neptia n'aurait jamais suspecté que les mains de Yaël était capable d'une telle élégance dans leur écriture. Tia commença sa lecture.

Terre de sang - Le prix du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant