Chapitre 1

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— Tu peux m'expliquer à quoi tu joues ? 

La porte de la loge se referma dans un claquement que Jordan ne réussit pas à contenir. La colère perçait dans sa voix. Il peinait à la retenir pour ne pas alerter les personnes présentes de l'autre côté de ces murs. Dos à la porte, il observait son opposant, debout à quelques mètres de lui, braquant sur sa personne un regard circonspect.

— De quoi tu parles, exactement ? demanda Gabriel en fronçant les sourcils par l'incompréhension.

— Tu plaisantes, j'espère ?! 

Jordan serra les dents en entendant sa voix monter dans les tours. Il crispa les mâchoires en avançant d'un pas vers le propriétaire temporaire de cette loge puis reprit la parole sur un ton plus discret, mais tout aussi colérique.

— C'était quoi ce jeu pendant le débat ? Je croyais qu'on avait été clair.

— J'ai contré tes arguments avec brio, se défendit Gabriel en plongeant son regard dans le sien. Navré si ton ego s'est senti blessé.

— Je ne te parle pas de ça, mais du reste ! Tes sourires, tes œillades. Bon sang, Gabriel, c'était un débat diffusé devant des millions de téléspectateurs et tu as transformé ça en rendez-vous Tinder !

— Moi ?! Tu m'as dévoré du regard tout le long du débat et c'est moi que tu blâmes ?

Maintenant que Gabriel connaissait la raison de la colère de son interlocuteur, il sentait la sienne monter d'un cran. Comment osait-il remettre la faute sur lui ? Oui, il avouait qu'il avait eu quelques sourires en coin incontrôlé, mais ce n'était rien comparé à lui. Le regard de Jordan s'était assombri, Gabriel le connaissait assez bien maintenant pour savoir que la tempête ne tarderait pas à se déclencher. Au vu de l'endroit dans lequel il se trouvait, il allait devoir mettre tout en œuvre pour le calmer ou ils étaient fichus tous les deux.

— Écoute, reprit-il sur un ton le plus calme possible. Le débat s'est très bien passé, je suis persuadé que personne n'a rien remarqué. On a défendu chacun nos idées comme deux rivaux que tout oppose. C'était parfait.

— Non, Gabe. C'était loin d'être parfait. Je suis persuadé que si j'ouvre les réseaux sociaux, c'est déjà la folie.

— Ces derniers mois, on s'en est bien sorti, non ? Personne ne nous a jamais démasqués.

— Oui, mais c'était avant que tu me fasses ton regard de séducteur en public.

Un soupir échappa à Gabriel qui baissa les yeux vers le sol durant un instant. Il avait réussi à atténuer la colère de Jordan, mais il sentait à quel point la situation pouvait le tendre. S'il devait être entièrement honnête, ils avaient merdé tous les deux. Le jeu auquel ils jouaient lorsque les regards étaient tournés ailleurs avait quelque chose de grisant, d'excitant. Le goût de l'interdit. À force de se voir dans des loges, entre deux portes, à l'abri des regards, dans leur logement respectif, Gabriel commençait à avoir du mal à gérer cette relation cachée. Il savait qu'il était impossible pour eux de se dévoiler au grand jour, cela signerait la fin de leur carrière, il en avait parfaitement conscience. Le problème était qu'il lui était de plus en plus difficile de faire croire à la France entière qu'il haïssait Jordan Bardella, alors qu'en réalité, c'était tout le contraire.

Gabriel s'avança d'un pas afin de se positionner face à Jordan. Ses doigts vinrent se glisser entre les siens alors qu'il relevait la tête pour tenter de croiser le regard de son amant, mais le dépassant d'une demi tête, il s'évertuait à regarder un point inexistant droit devant lui.

— Jordan, murmura-t-il en passant son pouce sur ses phalanges serrées. Regarde-moi.

Plusieurs secondes qui semblèrent interminables à Gabriel s'écoulèrent avant que leurs regards se croisent enfin. Un sourire étira les lèvres du premier ministre, rictus que Jordan ne lui rendit pas.

Sentiments et Trahison - Bardella x AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant