Chapitre 14

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Debout devant le miroir de sa salle de bain, Jordan laissa tomber l'un de ses pansements dans le lavabo. La compresse sentait la bétadine à plein nez, une odeur qu'il commençait à avoir en horreur. Inspirant profondément, il s'attaqua au reste, à la partie la plus douloureuse. La blessure la plus importante se trouvait au-dessus de son œil. Le tesson de bouteille était entré dans sa chair sans rencontrer aucune résistance, le lacérant sur plusieurs centimètres de large ainsi que de profondeur. D'après le médecin, il devait être né sous une bonne étoile, car un millimètre de plus et il perdait la vision. Un léger voile flou recouvrait son œil, mais plus les jours passait, plus il s'estompait.

Les mains tremblantes à cause de la douleur, Jordan réussit à retirer le dernier bandage recouvrant ses blessures et déposa les pansements ensanglantés dans le lavabo. Il releva la tête et observa son reflet dans le miroir. Le côté de son visage blessé était désenflé, sa peau était encore boursouflée à l'endroit des divers points de sutures qu'il avait eus, mais les plaies étaient plus jolies. Pourtant, la douleur restait équivalente. Le moindre souffle d'air sur ses plaies lui donnaient l'impression d'être transpercé par une lame de rasoir. Quant aux migraines, elles étaient devenues ses meilleures amies. De jour comme de nuit, il avait l'impression d'avoir une armée de pic-vert sous le crâne, seuls les anti-douleurs prescrit par le médecin lui accordait quelques heures de répit.

Il ouvrit l'armoire à pharmacie installée au-dessus du lavabo, attrapa le flacon d'antalgique et avala deux comprimés. Il hésita puis en prit un troisième. Ce soir était le grand soir. Il ne pouvait pas se permettre d'être mal. Les résultats des élections seraient annoncés dans moins de deux heures, Marine lui avait dit qu'elle ferait le discourt à sa place au vu de son état, mais il était hors de question qu'il manque à l'appel.

Il était resté enfermé chez lui pendant deux jours. Quarante-huit heures de perdue pour sa campagne, passant son temps à scroller sur les réseaux sociaux, noyé sous le nombre phénoménales de messages suite à son accident. Non, à cette agression. Il refusait de rester caché chez lui, tapis dans l'ombre, comme s'il était terré par la peur. La haine ne gagnerait pas, il le refusait.

Après un dernier coup d'œil dans le miroir, il retourna dans sa chambre et enfila son costume bleu marine, celui qu'il préférait. Il noua sa cravate, essaya d'arranger ses cheveux comme il le put sans toucher à ses points de suture et quitta son appartement. À peine avait-il mis un pied dehors que Victor vint près de lui. Une voiture l'attendait juste devant, à son bord, trois gardes du corps. Une véritable armée, il n'était même pas sûr que Macron en possède autant lors de ses déplacements.

— C'est réellement nécessaire ?

— Oui, Monsieur. Nous ne prenons aucun risque.

Il eut envie de l'envoyer balader en lui disant qu'il n'avait pas besoin de quatre nourrices pour lui tenir la main, mais il ravala son venin. Il glissa ses lunettes de soleil sur son nez pour protéger ses yeux encore sensible de la lumière et grimpa à la dernière place disponible.

Le chemin jusqu'au QG se fit sans encombre, les agents de sécurité discutaient parfois entre eux de la marche à suivre une fois sur place. Tout était réglé comme du papier à musique. Jordan ne l'aurait jamais avoué, mais au fond de lui, il ressentit une pointe de soulagement face à toute cette sécurité mis en œuvre. Ses agresseurs avaient été arrêtés et croupissaient dans une cellule en attendant un jugement. Agression homophobe sur un homme politique, son sort était scellé. Mais combien d'autres comme lui courraient les rues en toute impunité ?

Ses pensées se tournèrent vers Gabriel. Victor lui avait dit qu'il était venu le voir lorsqu'il était à l'hôpital, depuis, aucune nouvelle. Il avait envoyé plusieurs messages à son petit ami, il avait même essayé de l'appeler sans obtenir de réponses. Il savait que les derniers jours d'une campagne étaient les plus éprouvants, il espérait que le silence de Gabriel soit un manque de temps et non autre chose. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de penser au pire.

Sentiments et Trahison - Bardella x AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant